Le calendrier des Très Riches Heures du duc de Berry décrypté mois par mois. Avril : « La reverdie »
Les frères de Limbourg, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 4 v°, le mois d’avril, « La reverdie » (détail), vers 1411-1416. Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm. © GrandPalaisRmn (Domaine de Chantilly)/Michel Urtado
Réalisées au XVe siècle, les Très Riches Heures du duc de Berry sont sans doute le manuscrit le plus célèbre au monde. Enluminées par les frères de Limbourg, éminents artistes attachés à la cour de Bourgogne puis de Berry, qui ont révolutionné l’histoire de l’art, elles se composent de 121 miniatures qui captivent par leurs représentations de châteaux historiques, de scènes princières et des travaux des champs rythmés par les saisons. À l’occasion de la restauration de ce chef-d’œuvre, montré seulement deux fois au public depuis la fin du XIXe siècle, il est possible d’admirer les 12 folios du calendrier dérelié jusqu’au 5 octobre dans la salle du Jeu de Paume du château de Chantilly. Nous vous proposons aujourd’hui de plonger au cœur du folio 4 v°, « La reverdie », illustrant le mois d’avril.
La scène courtoise du mois d’avril résume à elle seule la grâce du gothique international dont les Limbourg figurent parmi les plus grands acteurs.
Vert printemps
Le printemps éclot, et avec lui les sentiments amoureux. Le renouveau printanier est rendu par les différentes nuances de vert contrastant avec les camaïeux de brun de la miniature précédente, et formant la toile de fond d’un chatoiement de couleurs vives.
Les frères de Limbourg, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 4 v°, le mois d’avril, « La reverdie » (détail), vers 1411-1416. Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm. © GrandPalaisRmn (Domaine de Chantilly)/Michel Urtado
Le bonheur est dans le pré
Une scène de fiançailles occupe le premier plan. Sous sa houppelande bleue brodée d’or, aux manches tombantes, le fiancé arbore un « poitrail » d’or auquel sont attachées deux chaînes d’ornement lui retombant dans le dos. Il échange une fleur (plutôt qu’un anneau ?) avec sa fiancée à la toque de fourrure, qui porte ce que les inventaires décrivent comme une « escharpe » de corail. Peut-on y reconnaître Bonne d’Armagnac, petite-fille du duc de Berry, qui épousa Charles d’Orléans en 1410, ou plutôt Marie de Berry, sa fille cadette, dont le mariage avec Jean de Bourbon en mai 1400 coïncida presque avec l’entrée en possession du château de Dourdan par Jean de Berry ? Deux témoins assistent à la scène, ainsi qu’un jeune page, tandis que deux dames cueillent des fleurs à leurs côtés. Chaque personnage présente une silhouette allongée, à la tenue opulente et colorée.
Les frères de Limbourg, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 4 v°, le mois d’avril, « La reverdie » (détail), vers 1411-1416. Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm. © GrandPalaisRmn (Domaine de Chantilly)/Michel Urtado
Le château de Dourdan
À cette scène seigneuriale d’exaltation de la nature et de l’amour fait écho le jardin clos et fleurissant à droite, où le verger est cultivé en espaliers. Sur l’étang argenté de l’arrière-plan (ce métal fut largement utilisé par les frères de Limbourg au sein du manuscrit) naviguent deux pêcheurs sur leurs barques, qui déploient un filet dans la réserve aux poissons aménagée devant le château de Dourdan, alimentée par la rivière de l’Orge. Le duc de Berry hérita ce château de son cousin Louis d’Évreux, comte d’Étampes, en mai 1400. Il l’embellit alors et en renforça les défenses.
Les frères de Limbourg, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 4 v°, le mois d’avril, « La reverdie », vers 1411-1416. Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm. © GrandPalaisRmn (Domaine de Chantilly)/Michel Urtado
« Les Très Riches Heures du duc de Berry » jusqu’au 5 octobre 2025 au Château de Chantilly, Salle du Jeu de Paume, 60500 Chantilly. Tél. : 03 44 27 31 80. chateaudechantilly.fr
Art de l’enluminure n° 93, Éditions Faton, 16 €.
Sommaire
Folio 4 v°, avril : « La reverdie »
