Les Vernier, artistes de père en fils
Altagor (1915-1992), La Démocratie nouvelle. Mao Tsé-Toung, Pékin, 1955 (livre appartenant à la bibliothèque d’Altagor), dessins originaux et commentaires manuscrits de l’artiste, exemplaire unique. Étui en métal de Marc Vernier, 19 x 17,5 cm. © DR
2024-2025, années Altagor-Vernier ? Après différentes manifestations rétrospectives rappelant l’importance d’Altagor, pseudonyme d’André Vernier (1915-1992), et de son fils Marc Vernier (né en 1956), la galerie Satellite fait un point sur ces deux personnalités complémentaires qui œuvrent dans les domaines de la poésie, de la peinture et du livre.
Le parcours d’Altagor : une enfance dans les bois, une adolescence à la mine, un premier recueil de poèmes à l’âge de 19 ans avant d’adhérer à la Parole transformelle, courant anti-lettriste. Devenu correcteur, Altagor multiplie les inventions : peinture isomorphe et instruments de musique comme le pantophone, le métaphone et le plectrophone…
Les graphismes du père
La galerie a réuni les graphismes des années 1960 à 1980, période la plus féconde de la production de l’artiste, notamment de grands formats allant jusqu’à plus de deux mètres de large. Ces œuvres qu’Altagor appelle dynamoplastiques, exécutées en noir, au feutre ou au graphite, sont des improvisations gestuelles, qui voisinent aussi avec des petits formats de 20 sur 30 cm. Rien à voir avec l’action painting que l’artiste n’a jamais revendiquée, voulant rester entièrement libre de toute attache pour propager son œuvre. Il rejoint en cela Georges Mathieu dont il est l’élu désigné. Sa peinture est également celle d’un graphotachiste travaillant à grande vitesse dans un tourbillon qui forge un monde pris dans un mouvement d’enthousiasme et de vie.
Altagor (1915-1992), Simonia, dessin et poèmes de l’artiste. Couverture originale de Marc Vernier, 25 x 31 cm, sans date, exemplaire n° II. © Marc Vernier
Les livres d’artiste du fils
Le fils, Marc Vernier, peintre, est par ailleurs depuis plusieurs décennies un concepteur de livres d’artiste nés d’une synthèse entre métal, papier et matériaux réunis : il crée ainsi des livres-objets autant à lire qu’à tenir, telles des pièces architecturales uniques. Ce forgeron du livre expose aussi des techniques mixtes sur panneaux de bois, dont la force tranquille – toutefois solidement campée – se diffuse dans l’espace de la galerie. Il combine le hiératisme de ses peintures géométriques, qui sont autant de façons de jouer des contrastes entre plein et vide, à la densité des noirs et des couleurs qui dispensent un souffle visuel d’une ampleur inattendue.
Deux esthétiques sans lien autre que l’affection d’un fils qui commémore le souvenir d’un père artiste à la personnalité complexe – une approche mise en avant par le commissaire de l’exposition, Frédéric Acquaviva. Voilà une leçon de vie, un art qui révèle la puissance des styles et la multiplicité des talents.
Marc Vernier (né en 1956), Sans titre, encre sur papier, 70 x 50 cm, sans date. © Marc Vernier
« Altagor, Marc Vernier, père & fils », jusqu’au 21 juin 2025, galerie Satellite, 7, rue François de Neufchâteau, 75011 Paris. Tél. : 07 83 34 69 00. galeriesatellite.jimdofree.com
À lire : Altagor_mutant, textes de Frédéric Acquaviva, Johanne Drucker, Alain Oudin, Marc Vernier, 2025, Les cahiers, enseigne des Oudin, 216 p., 20 €.