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Balzac et Saché : lorsque les bords de l’Indre inspiraient l’écrivain

Le grand salon, musée Balzac - château de Saché. © Stevens
Le grand salon, musée Balzac – château de Saché. © Stevens

De 1825 à 1848, Balzac éprouve une joie indescriptible à se retirer en Touraine, loin de ses créanciers et de ses soucis parisiens, pour écrire à plein temps. Il faut dire que les bords de l’Indre l’inspirent !

Chez son ami Jean Margonne, que l’on dit être l’amant de sa mère, il rédige certains ouvrages de son œuvre immense : Le Père Goriot, les Illusions perdues, Maître Cornélius, les Contes drolatiques, Séraphîta, Louis Lambert, César Birotteau. Le château de Saché est comme une muse pour lui. La lettre qu’il écrit à Émile Regnault le 27 juin 1836 donne une idée de son état d’esprit : « Cher Pélican, je suis arrivé lundi à Saché. Je me suis reposé mardi. Mercredi, l’on m’a fait faire une partie de campagne. Et la Touraine m’avait si bien ravitaillé que jeudi, vendredi, samedi et dimanche, j’ai conçu les Illusions perdues, et j’en ai écrit les quarante premiers feuillets. »

Un bien mauvais malade

Les raisons des séjours de Balzac en Touraine sont aussi médicales, puisque c’est le docteur Nacquart qui conseille à l’écrivain de longues promenades dans la campagne pour se remettre de l’agitation de Paris et calmer ses maux de tête et étourdissements. Mais, en réalité, Balzac est un mauvais malade et ne s’accorde aucun repos. Puisque la Touraine est son inspiration, il met à profit ses séjours à Saché par de longues nuits blanches, écrivant à la seule force du café qu’il ingère dans des proportions colossales. Il écrit à ce propos à Zulma Carraud, le 21 novembre 1831 : « Je vis sous le plus dur des despotismes : celui qu’on se fait à soi-même. Je travaille nuit et jour. Je suis venu me réfugier ici au fond d’un château, comme dans un monastère. »

Le musée Balzac est installé dans le château de Saché près de Tours, ville où est né l’écrivain. © Stevens Frémont.
Le musée Balzac est installé dans le château de Saché près de Tours, ville où est né l’écrivain. © Stevens Frémont.

Un écrin pour Le Lys dans la vallée

Pour le bibliophile curieux, le château de Saché est encore tout imprégné de la présence du grand auteur et n’a rien perdu de sa magie inspiratrice. Aujourd’hui, on y retrouve non seulement des pièces restituées telles que les a connues Balzac, mais aussi le cadre de certains de ses romans. En effet, Saché et la vallée de l’Indre ont servi de modèle à l’un des romans les plus sentimentaux – et les plus autobiographiques – de Balzac, Le Lys dans la vallée. Le parc du domaine de Saché, ouvert gratuitement aux heures de visite du château, permettra au lecteur de se replonger dans l’histoire d’amour passionnée et platonique entre la comtesse de Mortsauf et le vicomte Félix de Vandenesse, tout en goûtant au charme du riant paysage que Balzac a longtemps exploré au cours de grandes promenades. Comme son personnage principal, l’écrivain ne dédaignait pas de parcourir à pied la distance entre la vallée et Tours, fût-ce en pleine chaleur. De plus, sa passion pour la botanique fait écho aux délicats bouquets de fleurs des champs tourangelles que le jeune Félix composait pour l’élue de son cœur.

Clochegourde reconstitué à Saché

Ce parallèle se poursuit à l’intérieur du château de Saché, où a été reconstitué le salon aux boiseries grises du château de Clochegourde, tel que l’écrivain a pu le décrire dans son roman : « La cheminée avait pour ornement une pendule contenue dans un bloc d’acajou surmonté d’une coupe, et deux grands vases en porcelaine blanche à filets d’or, d’où s’élevaient des bruyères du Cap. Une lampe était sur la console. Il y avait un trictrac en face de la cheminée. Deux larges embrasses en coton retenaient les rideaux de percale blanche, sans franges. »

La mise en valeur du château

Une ambiance balzacienne si préservée est l’aboutissement de la mise en valeur du château de Saché depuis plus d’un siècle. Inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1932, classé dix ans plus tard, il est restauré par son propriétaire, Paul Métadier, pour en faire un musée à la gloire de l’écrivain. Son fils Bernard-Paul en est le conservateur jusqu’au début du XXIe siècle, quand bien même le château a été légué au Conseil départemental d’Indre-et-Loire en 1958. Le salon du château de Clochegourde n’est pas le seul décor de la Comédie humaine restitué à Saché. Depuis 2015-2017, le nouvel aménagement mis en place avec l’aide du Mobilier national présente également le cabinet de toilette de Mademoiselle de Verneuil (Les Chouans), le boudoir de Fœdora (La Peau de chagrin), le cabinet de l’avoué Derville (Le Colonel Chabert), ou encore l’appartement de l’abbé Chapeloud (Le Curé de Tours).

Là où réalité et fiction se rejoignent

Mais surtout, jouxtant la chambre de l’écrivain, a été aménagé un petit cabinet de travail, sobre, monacal même, comme le décrit Balzac dans sa correspondance. À coup sûr, le bibliophile passionné pourra retrouver en pensée le géant de la littérature, son indispensable tasse de café fumant posée sur la table, noircissant des liasses de feuillets pour ce qui constituera Le Père Goriot ; puis se levant pour quelques pas jusqu’au salon, dont le papier mural à frise mythologique a pu l’inspirer pour la description de la pension Vauquer dans cette même œuvre. Réalité et fiction se mêlent donc étroitement au château de Saché, où les ombres des personnages de la Comédie humaine côtoient celle de leur auteur.

La chambre de Balzac (détail), musée Balzac - château de Saché. © Stevens Frémont.
La chambre de Balzac (détail), musée Balzac – château de Saché. © Stevens Frémont.

Victoire Ladreit de Lacharrière


Musée Balzac – château de Saché
Rue du Château, 37190 Saché

Ouvert toute l’année sauf le 1er mai et le 25 décembre
Horaires variables selon la saison

www.musee-balzac.fr

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