
Trois ans après avoir magistralement célébré la Chine rêvée de François Boucher, le musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon renoue avec le XVIIIe siècle. Une foisonnante exposition donne à voir en près de 400 œuvres l’exceptionnelle vitalité artistique qui durant plus d’un siècle, de la conquête française de 1674 à la Révolution, anima l’ancienne ville libre d’Empire.
S’étalant fièrement à Versailles sur la voûte de la galerie des Glaces, l’allégorie de la conquête de la Franche-Comté rappelle que son entrée dans le giron du royaume de France constitua l’une des apothéoses du règne de Louis XIV. C’est ainsi à cette date, plutôt qu’à la disparition du Roi-Soleil en 1715, que l’exposition choisit de faire débuter le « Beau Siècle » bisontin. Afin de rappeler que le monarque se déplaça en personne dans la ville conquise, la réplique de son imposant portrait par Antoine Houasse, vraisemblablement directement supervisée par l’artiste, a quitté le grand salon de l’hôtel de Courbouzon dans lequel elle trône depuis le XVIIIe siècle ; restaurée pour l’occasion, elle met symboliquement en scène la victoire de la France en transformant astucieusement la monture royale en licorne, ennemi naturel du lion impérial.

Floraison artistique
Le transfert du remuant parlement de Dole à Besançon à la fin du XVIIe siècle va impulser un remarquable dynamisme architectural et artistique qui transforme en profondeur le paysage bisontin. À l’heure des Lumières, la cité fourmille d’un chantier permanent : « […] le tiers de cette ville a été bâti ou rétabli depuis cinquante ans ; et il n’y restera bientôt plus de vide, si l’on continue à y faire de nouveaux édifices […] », note en 1735 le recteur de l’université. Alors que les hôtels particuliers se multiplient afin d’accueillir les nouvelles élites, le pouvoir royal s’attache à arrimer définitivement Besançon au royaume de France en traduisant son autorité dans la pierre, comme en témoigne l’édification entre 1769 et 1776 par Victor Louis du majestueux hôtel de l’Intendance, actuelle préfecture du Département.

Paris-Besançon
L’exposition met ainsi en évidence l’ouverture des élites bisontines sur l’extérieur et leurs liens avec la capitale, qui les conduisent à privilégier des artistes parisiens d’envergure. En 1729, lorsque l’effondrement du clocher de la cathédrale suscite l’un des grands chantiers du siècle, c’est l’architecte Boffrand et les peintres Vanloo, De Troy et Natoire que l’on sollicite. D’autres suivront : en un siècle, le puissant clergé local reconstruira les sept églises paroissiales de la cité ; de nouveaux édifices sortent de terre, à l’image de la chapelle Notre-Dame-du-Refuge, extraordinaire joyau Louis XV inspiré du collège des Quatre- Nations. Cette inflation de la demande artistique conduira en 1773 à l’ouverture d’une école de peinture et de sculpture, née sous l’égide de l’intendant Charles-André Lacoré, du peintre Johann Melchior Wyrsch et du sculpteur Luc Breton – révélation de l’exposition qui mériterait amplement sa rétrospective.

Théâtre des Lumières
Lorsque l’intendant Lacoré, incarnation locale du pouvoir central, choisit de doter la cité d’un théâtre, instrument civilisationnel par excellence, c’est à nouveau vers un célèbre architecte parisien qu’il se tourne. Œuvrant déjà à proximité sur le chantier de la Saline royale d’Arc-et-Senans, Claude-Nicolas Ledoux livrera un ambitieux théâtre-temple, véritable étendard de la modernité architecturale des années 1770 qui affirme haut et fort les ambitions élevées de cette Besançon des Lumières.

Olivier Paze-Mazzi
« Le Beau Siècle. La vie artistique à Besançon de la conquête à la Révolution (1674-1792) »
Jusqu’au 19 mars 2023 au musée des Beaux-Arts et d’Archéologie
1 place de la Révolution, 25000 Besançon
Tél. 03 81 87 80 67
www.mbaa.besancon.fr
Catalogue, éditions courtes et longues, 416 p., 35 €.
Le riche patrimoine architectural de Besançon se dévoile à travers une belle sélection de visites guidées : www.besancon-tourisme.com/pdf/Besancon-visites-guidees.pdf