
Après une édition 2021 disséminée dans les galeries, la traditionnelle Brafa est de retour. Délaissant le site de Tour & Taxis, cette 67e édition occupe au nord de la capitale belge le site de Brussels Expo, réunissant sur le plateau du Heysel les douze palais qui accueillirent l’Exposition universelle de 1935. 115 galeries émanant de 15 pays déploient comme à l’accoutumée vingt spécialités, allant de l’archéologie à l’art contemporain et au design. Parmi les nouveaux venus figurent trois galeries parisiennes : Dina Vierny (art moderne et d’après-guerre), La Forest Divonne (art contemporain) et Kevorkian ; spécialisée en art de l’Orient antique et de l’Islam, cette dernière dévoile un rare étendard en bronze figurant deux bouquetins ailés majestueusement dressés, une œuvre emblématique de la production artistique du Luristan (Iran) à l’âge du fer. Fidèle de la foire, la galerie Taménaga (Tokyo, Paris, Osaka, Kyoto) propose un délicat portrait de jeune fille par Marie Laurencin provenant de la collection du célèbre marchand Paul Rosenberg. Sur le stand de Mathias Ary Jan sont accrochés de séduisants paysages de Ferdinand du Puigaudeau et Gustave Loiseau. La galerie Bertrand de Lavergne, qui porte haut les couleurs de la porcelaine asiatique, met de son côté à l’honneur un précieux groupe de la famille rose représentant une dame chinoise tenant son chien dans ses bras sous le regard d’un phénix.

Splendeur du Luristan
Pour sa première participation à la foire bruxelloise, Corinne Kevorkian dévoile un bel ensemble de bronzes du Luristan essentiellement issus d’une ancienne collection française. Située dans l’ouest de l’Iran, cette province nichée au cœur des monts Zagros produisit à l’aube de l’âge du fer une grande quantité de pièces particulièrement raffinées qui n’ont aujourd’hui toujours pas dévoilé tous leurs mystères. La galerie parisienne met notamment à l’honneur un délicat petit étendard figurant deux bouquetins ailés affrontés.

Piamontini : la veine française d’un sculpteur florentin
Longtemps rattaché à Giovanni Battista Foggini (1652-1725), maître du baroque tardif florentin, le modèle de ce groupe figurant Bacchus et Ariane ne fut rendu à Giuseppe Piamontini (1664-1742) qu’en 1991, à la faveur de la découverte de sa signature sur une version de marbre datant de 1732. Après avoir étudié au sein de l’éphémère académie fondée à Rome par le grand-duc de Toscane Côme III de Médicis entre 1681 et 1686, il retourna travailler à Florence au service de son fils ainé Ferdinand. Conçu vers 1710, ce groupe en terre cuite doit être rapproché de celui de Vénus et Cupidon conservé au Staatliche Museen de Berlin : tous deux témoignent de l’influence de l’art français sur Piamontini, influence à laquelle il fut vraisemblablement soumis durant son séjour romain.

Terrible Vésuve
Entre les années 1760 et le milieu du siècle suivant, le spectacle de l’éruption du Vésuve, fossoyeur de cette Pompéi nouvellement redécouverte, fascine les artistes qui, à l’image d’un Pierre-Jacques Volaire (1729-1799), livrent de spectaculaires compositions mettant en scène la fureur du géant napolitain. Comptant parmi les rares artistes du cru à avoir signé scrupuleusement leurs gouaches, Camillo de Vito (actif entre 1790 et 1835) rendit compte dans ses œuvres des différentes éruptions qui ébranlèrent en son temps le volcan. Si certaines vues sont diurnes, d’autres, à l’image de celle présentée par la galerie genevoise Grand-Rue, sont nocturnes : plus puissantes, elles privilégient l’émotion à l’exactitude topographique.

Envoûtants « fétiches » congolais
Une belle sélection de « fétiches » en provenance du Congo attend les visiteurs sur le stand de Didier Claes. Figures de pouvoir anthropomorphes, les nkisi possédaient toutes un nom propre et étaient associées à un rituel précis permettant leur activation. Le pouvoir de fascination de ces « objets-force » a séduit un amateur dès le vernissage du salon, puisqu’un point rouge ornait déjà la plus importante sculpture du stand, une figure nkisi issue du peuple Songye haute de 91 cm. Prix de vente : 300 000 €.

Hiératiques mandrills
Fameux durant l’entre-deux-guerres, mais aujourd’hui plus confidentiel, Charles Delhommeau (1883-1970) se spécialisa d’abord dans la réalisation de bustes avant de vouer sa carrière à la sculpture animalière. Il expose dès 1904 au Salon des Artistes Français, puis à la Société des Artistes Animaliers, collaborant par ailleurs avec la manufacture de Sèvres. Influencé par l’art de Rembrandt Bugatti, Delhommeau passa comme ses compagnons de longues heures à observer les pensionnaires du Jardin des Plantes de Paris ainsi que du zoo de Vincennes afin de capter la fluidité de leurs lignes et la vivacité de leurs gestes. Proposés pour 27 000 €, les deux hiératiques mandrills gardant le stand de Céline et Fabien Mathivet ont été conçus en pierre reconstituée d’après le modèle original de 1931.
Nathalie d’Alincourt et Olivier Paze-Mazzi
« Brafa »
Du 19 au 26 juin 2022 à Brussels Expo I Heysel, Palais 3 & 4
Place de Belgique 1, 1020 Bruxelles
www.brafa.art