
Exit le tapis (trop ?) chamarré signé Arne Quinze et le hall froid et brut qui en juin dernier accueillait les visiteurs. Pour sa deuxième année consécutive à Brussels Expo, la sympathique foire belge qui retrouve son créneau historique de janvier a entièrement réaménagé son entrée et déployé un élégant tapis noir et blanc dont les arabesques évoquent les dessins de l’architecte Victor Horta (1861-1947). Le ton est donné : la 68e édition de l’une des plus anciennes foires d’art et d’antiquités au monde ouvre le bal des festivités dédiées cette année à l’Art nouveau dans la capitale belge, 130 ans après l’inauguration à Bruxelles de l’hôtel Tassel signé Horta. L’Objet d’Art a sélectionné pour vous un florilège de pièces à découvrir jusqu’à dimanche sur le plateau du Heysel.
Concert céleste
Alors que l’archéologie bénéficiait historiquement d’une place de choix au sein de la BRAFA, force est de constater qu’elle est désormais réduite à la portion congrue. On ne boudera donc pas son plaisir devant le spectacle offert sur le beau stand de Christophe Hioco par ces onze musiciens aux poses stylisées arborant flûtes, cymbales, cors, et tambours qui défilent en cortège sur une frise de grès rouge. Ce fragment architectural de forme circulaire ornait initialement le dôme d’un édifice religieux, à la frontière entre monde profane et monde sacré. Il faudra débourser 25 000 € pour s’offrir cette scène céleste témoignant de la véritable florescence artistique et architecturale qui animait l’Inde centrale du XIe siècle.

Louis XIII héroïque
C’est à l’occasion du séjour qui le conduit à Rome en 1613 que le peintre lorrain Claude Déruet (1588-1660) fait la connaissance d’Antonio Tempesta. Son influence décidera vraisemblablement l’artiste à expérimenter différents supports, comme en témoigne cette séduisante peinture sur marbre gris figurant Louis XIII, proposée pour 75 000 € chez Alexis Bordes. Laissée en réserve, la pierre a soigneusement été sélectionnée pour ses veines apparentes, offrant l’illusion d’un spectaculaire ciel d’orage dont le monarque, domptant un cheval cabré écumant, semble triompher.

Chevauchée de bronze
Pour sa première participation au salon, le Parisien Nicolas Bourriaud présente au public bruxellois l’un des plus grands chefs-d’œuvre d’Antoine-Louis Barye (1795-1875) : le groupe mettant en scène Roger emportant Angélique à dos d’hippogriffe après l’avoir délivrée du rocher, tel que le décrit l’Arioste dans son Roland Furieux. Vraisemblablement commandé vers 1840 par le duc de Montpensier, dernier et dixième enfant du roi Louis-Philippe Ier, il fut édité en deux versions. La bouche ouverte de l’hippogriffe identifie ce bronze comme faisant partie de la première, dont il n’existe que trois exemplaires au monde.

Fous de Feure
Le stand de la galerie Taménaga consacre une cimaise entière à l’œuvre de l’artiste d’origine belge Georges de Feure (1868-1943). Considéré par Pierre Puvis de Chavannes comme l’un des peintres les plus importants du mouvement symboliste français, il n’a pas manqué de susciter dès le dîner de gala le vif intérêt des collectionneurs, comme en témoignent les pastilles rouges qui en quelques heures ont fleuri sur les cartels. Élève de Jules Chéret, Georges de Feure noue une collaboration féconde avec le marchand Siegfried Bing, pour la galerie duquel il imagine meubles, tissus, papiers peints, vaisselle et orfèvrerie. Il participe également au décor du pavillon « L’Art nouveau Bing », présenté lors de l’Exposition universelle de Paris en 1900, dont le musée d’Orsay possède deux panneaux peints allégoriques.

Mystérieux Fléau
Proposée pour 55 000 € par le marchand anversois Victor Werner, cette puissante et terrifiante allégorie du Fléau fondant sur le monde a été imaginée en 1921 par l’artiste décorateur italien Costantino Grondona (1891-1939). Même si le mystère plane toujours sur ses origines, elle s’impose incontestablement comme l’une des œuvres les plus saisissantes de cette édition 2023.

Mélancolique Volubilis
Célèbre figure allégorique imaginée par Alfred Boucher (1850-1936) aux alentours de 1894 afin d’orner la tombe du fondeur Ferdinand Barbedienne, cette Volubilis sera abondamment déclinée par l’artiste tout au long de sa carrière dans des versions simplifiées. Tirant son nom de la plante qu’elle tient dans sa main gauche, cette femme gracieuse et mélancolique fut inspirée à l’artiste par un poème de René François Sully Prudhomme intitulé Les solitudes (1869). On ne connaît que deux épreuves de cette Volubilis complète dans cette taille. Proposé pour 68 000 €, ce tirage nerveux est à rapprocher du grand marbre en ronde bosse que vient d’acquérir le musée Camille Claudel auprès de la galerie Bowman Sculpture.

Fier comme un paon
Ce spectaculaire paon trône en majesté sur le stand de la galerie Epoque Fine Jewels qui, à l’occasion de son soixante-cinquième anniversaire, déploie un florilège de joyaux Art nouveau brillant de mille feux. Création de l’orfèvre bruxellois Philippe Wolfers, dont elle porte le monogramme PW, cette broche réalisée en 1902-1903 est un exemplaire unique. Elle constituait la pièce centrale amovible d’un diadème, aujourd’hui perdu, comme l’atteste un dessin récemment retrouvé dans les archives de la maison Wolfers. Acquise auprès des descendants de sa commanditaire, la broche a depuis été remontée sur une tiare, reconstituée d’après une photographie ancienne.

Un intérieur signé Spilliaert
Perché sur le manteau d’une cheminée dans un intérieur bourgeois, une Vénus callipyge se reflète impudiquement dans le miroir. C’est sur le stand de Francis Maere qu’il faut admirer ce remarquable dessin arborant la signature de Léon Spilliaert (1881-1946), l’un des artistes belges les plus importants du XXe siècle auquel la Fondation de l’Hermitage à Lausanne consacre actuellement une importante rétrospective, quelques années après celle du musée d’Orsay, malheureusement écourtée en raison de la situation sanitaire. Bientôt ajoutée au catalogue raisonné de l’artiste, cette feuille est ici proposée pour 385 000 €.

La volière de Fornasetti
Peintre, sculpteur, graveur, décorateur d’intérieur, le Milanais Piero Fornasetti (1913-1988) cultive l’éclectisme. Il s’intéresse à toutes les techniques et expérimente de nombreux matériaux, du bois au papier, de la céramique au verre et au textile. Dans les années 1940, il s’associe à l’architecte et designer Gio Ponti, avec lequel il crée de très nombreux objets qui marqueront après-guerre l’histoire du design. Ce paravent à quatre feuilles a été réalisé vers 1953 ; avec son étonnant décor naturaliste aux oiseaux associé à une architecture en trompe-l’œil, il illustre parfaitement le style de Fornasetti à la fin des années 1940. Prix demandé : 65 000 €.

Olivier Paze-Mazzi
« BRAFA ART FAIR »
Jusqu’au 5 février 2023 à Brussels Expo I Heysel, Palais 3 & 4
Place de Belgique 1, 1020 Bruxelles
www.brafa.art