C’est à l’ombre des terrils, véritables pyramides des Hauts-de-France, que se conclut la commémoration du décryptage des hiéroglyphes par Jean-François Champollion (1790-1832). Le Louvre-Lens y orchestre pour son dixième anniversaire une importante rétrospective retraçant l’histoire de celui qui fut le premier conservateur du musée égyptien du Louvre.
«Je tiens l’affaire ! » se serait exclamé Champollion le 14 septembre 1822 en surgissant dans le bureau de son frère Jacques-Joseph. Grâce au savant français, le voile est enfin levé sur ce mystère qui depuis des millénaires résistait à l’intelligence humaine, qualifié de véritable «sceau mis sur les lèvres du désert» par Chateaubriand dans ses Mémoires d’outre-tombe.
Aux sources de l’égyptomanie
On a parfois tendance à considérer la fameuse expédition d’Égypte de Bonaparte comme le point de départ d’une « égyptomanie » qui culmina avec le coup d’éclat de Champollion. L’accrochage lensois entend montrer qu’elle fut au contraire la conséquence d’une fascination multiséculaire, jusqu’alors frustrée par l’inaccessibilité du pays. Éblouis par l’Égypte pharaonique, les Grecs avaient transmis cette passion aux Romains, qui réunirent nombre de vestiges (obélisques, lions, statues de divinités, objets…) témoignant de la splendeur de cette civilisation. Ainsi, de l’Antiquité jusqu’au XIXe siècle, c’est à Rome que l’Égypte ancienne se donnait à voir, une Égypte éternelle et muette largement fantasmée, mise en scène afin d’exprimer ce que l’on attendait alors de cette «grande ancêtre ». Cette Égypte « romanisée » inspirera donc durablement les artistes en visite dans la cité des papes, à l’image de Nicolas Poussin pour son Moïse sauvé des eaux, ou bien de Giovanni Paolo Panini et Hubert Robert, dont elle nourrit les caprices architecturaux.
1797-1827 : trois décennies décisives
Lorsque Jean-François Champollion vient au monde en 1790, le fruit est donc pour ainsi dire mûr. Soigneusement documentée par les savants missionnés par Bonaparte, l’expédition conduite par le futur empereur renouvelle enfin en profondeur en l’espace de trois décennies la vision européenne de l’Égypte. C’est cette effervescence scientifique, artistique et archéologique, qui culminera notamment avec la création en 1827 du « musée égyptien » du Louvre, que fait revivre l’exposition via plus de 350 œuvres éclairant le parcours personnel et intellectuel de Champollion. Si bien évidemment la pierre de Rosette conservée au British Museum depuis 1802 manque à l’appel, on se consolera néanmoins devant les remarquables antiques venus du Museo Egizio de Turin ou encore face au célèbre bien qu’anonyme Scribe accroupi, exceptionnellement prêté par le Louvre.
Olivier Paze-Mazzi
« Champollion. La voie des hiéroglyphes »
Jusqu’au 23 janvier 2023 au Louvre-Lens
99 rue Paul Bert, 62300 Lens
Tél. 03 32 18 62 62
www.louvrelens.fr
Catalogue, sous la direction de Vincent Rondot, coédition Louvre-Lens / El Viso, 400 p., 39 €.
À lire : Archéologia hors-série n° 38, 64 p. 12 €.
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