Le musée Granet présente un panorama de l’œuvre de David Hockney au fil d’une centaine de peintures, dessins, estampes et photographies choisis dans le fonds de la Tate. L’institution, qui possède une collection unique de ses œuvres, certaines offertes par l’artiste, a prêté pour l’occasion plusieurs de ses pépites.
Le musée Granet constitue l’ultime étape de cette exposition itinérante après Bruxelles, Vienne et Lucerne. Elle s’attache à mettre en lumière le travail de David Hockney (né à Bradford en 1937), depuis la fin des années 1950 lorsqu’il n’est encore qu’un brillant étudiant du Royal College of Art de Londres, jusqu’aux œuvres numériques récentes témoignant de sa fascination pour les technologies actuelles.
Inlassable expérimentateur
Dès la fin de ses études, Hockney impose son propre langage ; puisant son inspiration dans sa vie, l’histoire de l’art et la littérature, il rejette l’abstraction qui domine alors la scène artistique. On le rattache rapidement au mouvement pop émergent. Cependant, à l’instar de Picasso auquel il se réfère (il est allé voir huit fois la rétrospective que la Tate a consacrée au maître espagnol en 1960), David Hockney est sans cesse dans l’expérimentation ; il lui arrive de juxtaposer différents styles ou techniques au sein d’une même œuvre.
New York, New York
L’exposition du musée Granet déploie un florilège de ses travaux des débuts et notamment le touchant Woman with a sewing machine (1954) où sa mère pose pour l’une des premières fois. Excellent dessinateur, Hockney documente sa vie à travers ce médium qui permet l’instantanéité. Il se lance également dans la gravure, notamment lors de son premier séjour à New York, en 1961, avec sa célèbre série A Rake’s Progress (La Carrière d’un libertin) d’après William Hogarth, qu’il terminera à son retour en Angleterre : sur fond d’autobiographie, y sont déployées les expériences d’un jeune homosexuel fraîchement débarqué dans la ville qui ne dort jamais. Quelques années plus tard, une autre série, réalisée dans un style dépouillé à la ligne fluide, illustre les poèmes du Grec Constantin Cavafy (1863-1933) narrant les rencontres et les liaisons de celui-ci à Alexandrie ; ces scènes d’amours masculines sont publiées en Angleterre en 1967, alors que le parlement vient enfin de voter une loi légalisant les relations homosexuelles.
California Dreamin’
En 1964, le jeune homme part pour Los Angeles, une ville qu’il trouve « sexy ». Les collections de la Tate conservent plusieurs œuvres célèbres de ce premier séjour californien : A Bigger Splash (qui n’a cette fois pas fait le voyage en France) et Man in Shower in Beverly Hills, où le peintre s’est inspiré d’un magazine érotique homosexuel américain pour camper le personnage nu dans sa douche. C’est à partir de cette époque qu’il se passionne pour la représentation de l’eau en mouvement : il entreprend alors ses séries de piscines californiennes destinées à devenir de véritables icônes. « L’eau peut prendre n’importe quelle forme : elle peut être de n’importe quelle couleur, elle est mouvante, elle ne répond à aucune description visuelle fixe » expliquera-t-il en 1979.
Les portraits iconiques de la Tate
Une section de l’exposition est consacrée aux immenses doubles portraits des années 1970, tels Mr. And Mrs. Clark and Percy, peint en 1971 à contre-jour dans la chambre à coucher du couple et presque aussitôt acquis par la Tate, et My Parents (1977). Extrêmement fécond, l’artiste expérimente tous les supports. Dans les années 1980, il explore les diverses possibilités de perception de l’espace, ce qui donne lieu à des portraits et des natures mortes aux couleurs vives, réalisés « selon un point focal changeant ». La série Moving Focus, offerte à la Tate en 1993, illustre ces recherches. Constamment en quête de nouveaux médiums, Hockney crée aussi des œuvres à partir d’un télécopieur ou d’un photocopieur qu’il utilise comme « un appareil photo limité aux surfaces planes » (portraits de sa mère, de ses chiens, cartes de Noël).
Une carrière en 3 000 clichés assemblés
L’exposition se clôt magistralement sur la dernière œuvre offerte par l’artiste a son musée de prédilection : In the studio December 2017, gigantesque image panoramique (278 x 760 cm) composée de 3 000 clichés assemblés numériquement pour produire un dessin photographique ; l’artiste s’y met en scène parmi ses peintures anciennes et nouvelles au milieu de l’atelier de Los Angeles.
Nathalie d’Alincourt
« David Hockney, collection de la Tate »
Jusqu’au 28 mai 2023 au musée Granet
Place Saint-Jean de Malte, 13100 Aix-en-Provence
Tél. 04 42 52 88 32
www.museegranet-aixenprovence.fr
Catalogue, coédition in fine / musée Granet / Tate, 224 p., 39 €.