À l’épée, au pistolet, au bâton, aux poings… L’art du duel, loin d’être un phénomène improvisé, constitue une réalité sociale et culturelle commune à toutes les époques, et que l’on retrouve sous bien des latitudes. Le musée de l’Armée invite les visiteurs à découvrir ce qui fait l’essence du duel, au fil d’un parcours mettant en scène objets, documents et œuvres d’art.
Qu’il s’agisse de la rencontre entre David et Goliath, du duel au sabre qui opposa Guy Chabot de Jarnac et François de Vivonne (1547), ou de celui au pistolet entre le baron d’Anthès et Alexandre Pouchkine (1837), l’affrontement en combat singulier est un phénomène qui se décline de bien des manières dans diverses civilisations, et dont les peintres, metteurs en scène, cinéastes, écrivains ou concepteurs de jeux vidéo soulignent la pérennité.
Pour l’honneur
Cette riche exposition dévoile les facettes parfois contradictoires du duel, allant du tragique combat à mort à une activité désuète réservée aux seuls intellectuels et politiciens en perte de vitesse dans l’Europe du XXe siècle. Se côtoient ici toutes sortes d’armes (épées, rapières, dagues, pistolets…), des œuvres illustrant des rencontres mythiques, tel un remarquable Rubens représentant Achille vainqueur d’Hector, un chatoyant nishiki-e du graveur Utagawa Sadahide, qui montre le célèbre samouraï du XVIIe siècle, Miyamoto Musashi, sur le point de porter le coup de grâce à son adversaire Sasaki Kojiro à l’aide d’un bokken (sabre en bois), ou encore un coffret renfermant une superbe paire de pistolets ouvragés du début du XIXe siècle ayant servi lors d’un authentique duel. Parfois toléré par les autorités mais souvent jugé illégal, le duel devient au XXe siècle une joute rarement mortelle dont la presse rend volontiers compte ; on visionne ici l’ultime duel pour l’honneur, de l’Histoire de France, qui opposa en 1967 le maire de Marseille, Gaston Defferre, et le gaulliste René Ribière.
Un motif récurrent de nos imaginaires
Du duel antique, opposant deux champions représentant chacun une nation, aux mêlées chevaleresques de la Renaissance, en passant par les combats ordaliques du Moyen Âge, l’exposition montre l’importance du motif du duel à travers l’histoire comme dans nos imaginaires et nos pratiques sportives. Au gré de tenues, masques, traités ou affiches de concours, le parcours se penche ainsi sur la progressive codification de l’escrime, sous l’influence des usages militaires, codification qui contribue à en faire une discipline sportive à part entière, présente dès les premiers Jeux olympiques de l’ère moderne (1896). Un propos pertinent pour cette exposition labellisée Olympiade Culturelle, qui souligne la survivance, dans nos sociétés civilisées, d’usages conçus à l’origine comme des moyens de canaliser la violence inhérente à toute communauté. On apprécie la dimension immersive du parcours et les dispositifs ludiques qui permettent aux visiteurs de se glisser brièvement dans la peau d’un véritable duelliste, en saisissant des armes afin d’en apprécier le poids, ou en s’essayant à l’escrime sur un écran.
Raphaël Buisson-Rozensztrauch
« Duels. L’art du combat »
Jusqu’au 18 août 2024 au musée de l’Armée
Hôtel national des Invalides
129 rue de Grenelle, 75007 Paris
Tél. 01 44 42 38 77
www.musee-armee.fr
Catalogue, coédition musée de l’Armée / In Fine, 336 p., 35 €.