La Finlande est à l’honneur dans les musées parisiens. Alors qu’au Petit Palais la remarquable exposition consacrée à Albert Edelfelt (1854-1905) vient de fermer ses portes, il ne reste aux retardataires plus que quelques jours pour découvrir au musée Jacquemart-André l’œuvre de son compatriote Akseli Gallen-Kallela (1865-1931).
Dans la lignée d’Albert Edelfelt, Akseli Gallen-Kallela puise son inspiration dans les paysages finlandais. Ses débuts sont marqués par le naturalisme, il dépeint la vie des paysans et des ouvriers dans son pays natal. Son style évolue considérablement tout au long de sa carrière. Gallen-Kallela se tourne d’abord vers le symbolisme. Bouleversé par la perte de sa fille, il réalise des œuvres influencées par l’ésotérisme alors en vogue, sur le thème de la mort et des cycles cosmiques, comme La Rivière des morts ou Ad Astra dont il sculpte même les panneaux en bois doré. Il pratique en effet aussi la sculpture et réalise les cadres en bois de ses toiles.
Une inspiration puisée dans les légendes ancestrales
Cette aspiration à l’œuvre d’art totale le pousse à concevoir lui-même Kalela, sa maison-atelier, dont il dessine la décoration intérieure en créant des modèles de tapisseries et de vitraux. Gallen-Kallela ne se lasse pas de peindre les paysages environnants, les forêts profondes et les immenses lacs, empreints d’une dimension mystique. Comme son ami le compositeur Sibelius, il est inspiré par les légendes ancestrales recueillies par l’ethnologue Elias Lönnrot dans le Kalevala publié pour la première fois en 1835. Le triptyque La Légende d’Aïno qui remporte un succès considérable en Finlande lui vaut une grande notoriété.
Vers une nature stylisée
Il explore ensuite d’autres voies, se rapproche du fauvisme et de l’expressionnisme avec ses Skieurs où il expérimente des aplats de couleurs très vives en une grande liberté de touche. Quant à la mode du japonisme, elle influence ses choix de cadrages audacieux et de formats inattendus, en particulier pour ses paysages. Dans ces œuvres qui font sa renommée, le traitement de la nature, d’où disparaît presque toute trace humaine, est parfois poussé jusqu’à la stylisation. Gallen-Kallela accorde un soin particulier à la lumière et aux reflets sur l’eau ou sur la neige dont il rend à merveille l’éclat éblouissant. Seules quelques empreintes de lynx attestent qu’aux yeux du peintre, inquiet des ravages de l’industrialisation, la nature est habitée par des présences invisibles et sacrées.
Mathilde Dillmann
« Gallen-Kallela. Mythes et nature »
Jusqu’au 25 juillet 2022 au musée Jacquemart-André
158 boulevard Haussmann, 75008 Paris
Tél. 01 45 62 11 59
www.musee-jacquemart-andre.com
Catalogue, Culturespaces / Fonds Mercator, 184 p., 32 €.