Alors que le château de Versailles célèbre son 400e anniversaire, la chambre du Roi et l’antichambre de l’Œil-de-bœuf sont en pleine restauration. Les tableaux choisis par Louis XIV pour ce lieu symbolique de la puissance royale font l’objet d’une exposition qui, jusqu’au 17 septembre, éclaire le goût du monarque pour le style caravagesque.
Dans l’éclat des boiseries dorées de la chambre du Roi, les tableaux aux teintes sombres pourraient passer inaperçus. Et pourtant il s’agit de véritables chefs-d’œuvre qui bénéficient temporairement d’une présentation à hauteur de regard. L’exposition donne ainsi la possibilité exceptionnelle de contempler de très près des toiles habituellement présentées à six mètres de haut : les quatre représentations des évangélistes et Le Denier de César de Valentin de Boulogne ainsi qu’Agar secourue par l’ange de Giovanni Lanfranco accrochés à l’attique de la chambre du Roi.
Caravagisme à la française
Restaurés entre 2015 et 2020, les tableaux ont retrouvé toutes les nuances de leurs coloris. La gamme de blancs, beiges et bruns se déploie de toile en toile en une véritable symphonie chromatique. L’extraordinaire détail des plumes de l’aile déployée de l’ange tourné vers saint Matthieu et son expression à la fois tendre et interrogative prouvent la virtuosité de Valentin de Boulogne qui était considéré au XVIIe siècle comme l’un des meilleurs peintres français après Nicolas Poussin. L’expressivité des quatre figures des évangélistes, illuminées par l’inspiration divine, qui se détachent de manière monumentale sur un fond sombre, est caractéristique de son art du clair-obscur. Si le Saint Marc et le Saint Matthieu figuraient déjà dans l’exposition consacrée au peintre par le musée du Louvre en 2017 (« Valentin de Boulogne. Réinventer Caravage »), la réunion de l’ensemble des tableaux du peintre caravagesque qui ornaient la chambre du Roi est inédite.
Scènes de genre et sujets sacrés
Les prêts du Louvre et du musée de Tessé du Mans permettent de retracer l’histoire de l’évolution du décor de la chambre et de rassembler les œuvres que Louis XIV avait choisies parmi les 700 tableaux de sa collection : Le Mariage mystique de sainte Catherine d’Alessandro Turchi, la Réunion de buveurs, autrefois donné à Bartolomeo Manfredi et aujourd’hui attribué à Nicolas Tournier, et La Diseuse de bonne aventure de Valentin de Boulogne. Ces deux derniers tableaux, scènes de genre caractéristiques du courant caravagesque, côtoyaient ainsi des sujets sacrés dans le « salon où le roi s’habille » qui fut remanié en 1701 pour créer la chambre du Roi située dans l’axe central du château.
Le goût du Roi-Soleil
Les œuvres profanes furent remplacées sur le mur mitoyen à la galerie des Glaces par le grand relief allégorique de stuc doré de Nicolas Coustou, La France veillant sur le sommeil du Roi. De part et d’autre du lit étaient accrochés deux autres tableaux évocateurs du goût de Louis XIV : Le Roi David jouant de la harpe du Dominiquin et Saint Jean à Patmos qui passait pour un Raphaël. Ils figurent aujourd’hui dans le salon de Mercure qui servait de chambre de parade lors des grandes cérémonies afin de laisser voir dans toute sa splendeur un autre chef-d’œuvre de la chambre royale : le somptueux brocard d’argent et d’or de la tenture murale et du lit. Les quatre dessus-de-porte, provenant de la collection Jabach, révèlent également les préférences artistiques du Roi-Soleil, avec deux œuvres attribuées à Van Dyck, une Sainte Madeleine d’après le Dominiquin et un Saint Jean-Baptiste considéré alors comme de la main de Caravage.
Mathilde Dillmann
« Chefs-d’œuvre de la chambre du Roi. L’écho du Caravage à Versailles »
Jusqu’au 17 septembre 2023 au château de Versailles
Place d’Armes, 78000 Versailles
Tél. 01 30 83 78 00
www.chateauversailles.fr
Catalogue, coédition château de Versailles / In Fine Éditions d’art, 96 p. ,19 €.