« Le commandeur est mort », annonce Le Monde. Inlassable défenseur des droits de l’homme qui, en 1981, eut définitivement raison de la guillotine, l’ancien garde des sceaux de François Mitterrand s’est éteint dans la nuit du 8 au 9 février à l’âge de 95 ans. En 2021, une exposition présentée à Paris à la bibliothèque de l’Arsenal dévoilait un passionnant florilège de manuscrits, livres, correspondances, estampes issus de la collection de ce grand bibliophile, illustrant son intérêt pour l’histoire des crimes et des peines et son engagement pour la justice. Nous reproduisons ici l’article que nous lui avions à l’époque consacré.
Né en 1928, Robert Badinter a été avocat, puis ministre de la Justice de 1981 à 1986 sous la présidence de François Mitterrand, président du Conseil constitutionnel de 1986 à 1995, sénateur des Hauts-de-Seine de 1995 à 2011. Il s’est illustré, entre autres, par un vibrant plaidoyer contre la peine de mort, prononcé le 17 septembre 1981 à l’Assemblée nationale, qui a abouti à son abolition effective en France. Le manuscrit de ce discours essentiel, composé de 31 feuillets, fait partie de la sélection présentée, choisie parmi les ouvrages et documents réunis tout au long de sa vie par l’auteur du Rôle du juge dans la société moderne (2003).
« Un ensemble majeur consacré à l’histoire du crime et de ses peines »
« La collection Robert Badinter, par sa composition, sa diversité, la multiplicité de ses points d’entrée, est aujourd’hui un ensemble majeur consacré à l’histoire du crime et de ses peines », explique Olivier Bosc, directeur de l’Arsenal et commissaire de l’exposition. Le parcours est construit en cinq temps, qui permettent d’évoquer la période révolutionnaire, la condition pénitentiaire avec ses bagnes et ses prisons, l’application de la justice, la peine de mort et son abolition et, enfin, le racisme, antisémite notamment, et le combat pour l’émancipation. Ces choix font revivre les régimes politiques et les textes de lois du XVIIIe au XXe siècle avec, pour fil conducteur, leur application et ses conséquences ; une manière de mettre en avant des préoccupations profondément humaines et de souligner le destin des citoyens, hommes et femmes confrontés aux procès et à l’emprisonnement, voire à la mise au ban de notre structure sociale.
Un inlassable engagement pour la justice et l’humanisme
Citons un exemplaire calligraphié en 1790 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, des ouvrages de Condorcet ou Montesquieu, un règlement manuscrit des porte-clefs de la Bastille, des dessins de Pierre Letuaire décrivant la vie au bagne, des lettres de cachet, des documents concernant un autre personnage remarquablement impliqué dans son époque, Victor Hugo, que Robert Badinter admire, d’autres liés à l’affaire Dreyfus avec la fameuse une, « J’accuse », de Zola dans L’Aurore, jusqu’à un dessin de presse de Tim sur le procès de Maurice Audin pour insoumission en 1960. À travers plus de 80 documents, le visiteur partage l’intérêt vif et permanent de Robert Badinter pour les hommes et la société, ainsi que son engagement pour la justice et l’humanisme.
Marie Akar