L’art autrement : regards choisis sur l’art.

 

L’édito de Jeanne Faton : « Enfin, on en parle ! »

La chambre des jeunes filles au sein de la villa romaine du Casale près de Piazza Armerina, en Sicile. © DR
La chambre des jeunes filles au sein de la villa romaine du Casale près de Piazza Armerina, en Sicile. © DR

Chères lectrices, chers lecteurs,

Enfin, on en parle ! Le silence assourdissant qui avait entouré la Culture pendant la campagne présidentielle vient enfin d’être rompu avec la nomination de sa nouvelle ministre, Rima Abdul Malak. Après des débuts dans le milieu associatif, elle a occupé les postes de responsable du pôle musiques actuelles de Culturesfrance (ancien Institut français), de conseillère culture de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris, en particulier sur les questions de « spectacle vivant », et d’attachée culturelle à l’ambassade de France à New York, là encore responsable du département « spectacle vivant et arts visuels », avant de devenir conseillère culture et communication à l’Élysée auprès d’Emmanuel Macron.

Elle succède à Roselyne Bachelot, qu’on aura plus entendue dans Les Grosses Têtes de RTL qu’à son ministère, à l’insaisissable Franck Riester, nommé à ce poste pour sa connaissance du dossier de l’audiovisuel mais dont la réforme a été suspendue, et à la cafouilleuse Françoise Nyssen.

Le ministère de la Culture est né du décret fondateur du 24 juillet 1959 rédigé ainsi par André Malraux : « Le ministère chargé des affaires culturelles a pour mission de rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français, d’assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et de favoriser la création de l’art et de l’esprit qui l’enrichissent ».

Depuis ses dernières heures de gloire sous Jack Lang, quatorze ministres s’y sont succédé : ils n’y sont jamais restés, en moyenne, plus de deux ans ; la pertinence et l’utilité de ce ministère, sans capitaine au long cours, parfois comparé à une technocratique usine à gaz, sont souvent aujourd’hui remises en cause. Le passage de l’Élysée à la rue de Valois de Rima Abdul Malak réussira-t-il à lui insuffler un nouvel élan, après le bilan mitigé du précédent quinquennat ?

Car les milliards injectés pour sauver le secteur culturel durant la crise du Covid, l’augmentation du budget alloué au ministère et la création du Loto du patrimoine ne sauraient faire oublier l’absence de réelle politique culturelle : des postes restés des mois vacants, des musées fermés pendant la crise sanitaire alors que les centres commerciaux étaient accessibles, la désastreuse adoption de la loi Elan qui, en supprimant l’avis conforme des architectes des bâtiments de France pour la destruction de bâtiments jugés insalubres dans les zones patrimoniales, a jeté, en pâture, les centres villes historiques aux promoteurs immobiliers peu scrupuleux et aux maires vandales. Après Perpignan et Marseille, c’est aujourd’hui le tour de Foix, dont six immeubles du XVIIe et du XVIIIe sont en cours de destruction par arrêté municipal, en partie grâce à la manne financière du programme gouvernemental « Cœur de Ville »1… Une politique à l’inverse de celle voulue par Malraux au début des années 1960 pour stopper l’hémorragique destruction du cœur patrimonial des villes.

Et que dire du fameux Pass culture consumériste, censé rendre accessible la culture à tous les jeunes, en leur offrant un bon d’achat de quelques centaines d’euros, comme le feraient les parents insoucieux de gosses de riches, palliant leur absence de volonté éducatrice à coup de chèques. La culture ne s’achète pas, elle s’acquiert : à quand de véritables cours d’histoire des arts à l’école, gratuits et obligatoires, dispensés par des professeurs historiens des arts ? Ces derniers auraient pu, par exemple, élever le débat national récent par un cours sur les admirables mosaïques romaines de la villa du Casale près de Piazza Armerina en Sicile, inscrite au patrimoine mondial de l’humanité, dont nous reproduisons ici la chambre des jeunes filles, vêtues en haut d’un fascia pectoralis et en bas d’un subligaculum.

Chères lectrices, chers lecteurs, nous vous souhaitons dans ce nouveau numéro de L’Objet d’Art un bon bain de culture : la découverte du Retable d’Issenheim restauré et les petits Valois portraiturés par les Clouet vous y attendent !

Jeanne Faton

1 Voir en particulier les nombreux articles publiés sur www.sitesetmonuments.org

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