Le musée de Bâle se penche sur les œuvres des femmes artistes du XVIe au XVIIIe siècle, analysées en regard de celles de leurs homologues masculins. L’exposition met l’accent sur les similitudes et les différences de traitement avec leurs pères, frères ou maîtres.
L’exposition que présente le Kunstmuseum de Bâle après le Bucerius Kunst Forum de Hambourg est construite sur une approche originale. Elle est consacrée à vingt-trois femmes artistes (sept supplémentaires étaient exposées à Hambourg) mises en relation avec leur entourage masculin dont les œuvres permettent d’analyser la formation et les influences reçues par ces femmes. Plusieurs d’entre elles montrent ainsi leur supériorité – c’est le cas d’Angelica Kauffmann (1741-1807) qui se libère entre 1760 et 1763 du style empesé de son père.
Une sélection inégale
Les commissaires, Bodo Brinkmann et Ariane Mensger à Bâle, Katrin Dyballa à Hambourg, ont restreint leur corpus à la période du XVIe au XVIIIe siècle, choisissant des exemples en Italie, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Suisse et en France. Le nombre d’œuvres présentées pour chacune est inégal et le choix des élues peut interroger. À Hambourg, le parcours mettait par exemple en valeur les femmes entrées dans les institutions prestigieuses, thème repris dans le catalogue. Or, des œuvres des quinze artistes féminines reçues en France à l’Académie royale de peinture et de sculpture, on ne peut admirer ici que le bel Autoportrait (vers 1776) de la Prussienne Anna Dorothea Therbusch (1721-1782) – qui n’y est restée qu’un an – et la petite Nature morte au canard (1787) d’Anne Vallayer-Coster (1744-1818), ce qui est un peu décevant lorsque l’on connaît les somptueux tableaux de cette dernière.
Sirani, Fontana, Anguissola…
Mais c’est aussi l’intérêt d’une exposition centrée sur d’autres pays que de mettre en valeur des œuvres de grande qualité qui nous sont moins familières, même si elles sont parfois issues de musées français. Il en est ainsi de Sainte Madeleine pénitente (1663) d’Elisabetta Sirani (1638-1665), du Portrait d’homme assis feuilletant un livre (vers 1577-1578) de Lavinia Fontana (1552-1614) et de natures mortes de Louyse Moillon (vers 1610-1696). Et comment ne pas apprécier le minuscule Autoportrait (1554) de Sofonisba
Anguissola (vers 1532-1625), conservé à Vienne, et l’Autoportrait à l’épinette (1577), à peine plus grand et venu de Rome, de Lavinia Fontana ? Quant au musée de Bâle, il s’enorgueillit de détenir l’Autoportrait au chevalet (1548) de Catharina van Hemessen (1528-après 1565), le plus ancien autoportrait conservé d’un(e) artiste dans cette pose.
Destins contrariés
Deux peintres néerlandaises sont emblématiques du destin de nombre de ces femmes : Judith Leyster (1609-1660) était une rivale de Frans Hals. Elle n’a été redécouverte que lorsque l’on s’est aperçu en 1893 que, sur une œuvre du Louvre, une fausse signature de Hals cachait la sienne. Depuis, les historiens de l’art s’emploient à reconstituer son corpus car elle a certainement beaucoup produit avant de se consacrer à son mari, le peintre Jan Miense Molenaer, et à ses enfants. Quant à Michaelina Wautier (1604-1689), elle était largement collectionnée, notamment par le grand-duc Léopold Guillaume de Habsbourg. Après sa mort, son œuvre a été attribué à des confrères masculins, dont son frère. Ce n’est que récemment que les recherches la concernant ont abouti à une grande rétrospective à Anvers. C’est dire tout l’intérêt d’une exposition permettant de comparer les travaux de ces femmes artistes à ceux de leur entourage masculin.
Élisabeth Santacreu
« Femmes de génie. Les artistes et leur entourage »
Jusqu’au 30 juin 2024 au Kunstmuseum (Hauptbau)
St Alban-Graben 8, Bâle, Suisse
Tél. 00 41 61 206 62 62
www.kunstmuseumbasel.ch
Catalogue, en allemand, Hirmer Verlag, 288 p., 45 €.