Le média en ligne des Éditions Faton

À Dijon, une enquête passionnante relance la carrière du sculpteur Jean Dampt

Jean Dampt (1854-1945), Portrait de l’auteur, 1905. Pierre de Comblanchien, 65 x 73 x 53 cm. Dijon, musée des Beaux-Arts.

Jean Dampt (1854-1945), Portrait de l’auteur, 1905. Pierre de Comblanchien, 65 x 73 x 53 cm. Dijon, musée des Beaux-Arts. Photo service de presse. © Dijon, musée des Beaux-Arts / François Jay

Célèbre de son vivant, Jean Dampt (1854-1945) est tombé après sa mort dans un relatif oubli, dont la nouvelle exposition du musée des Beaux-Arts de Dijon le sauve brillamment. Présent dans quelques collections publiques grâce à des achats de l’État ou à des dons – l’artiste offrit vingt-quatre œuvres au musée des Beaux-Arts de Dijon –, la sculpteur n’avait jamais été étudié.

« Trois ans de préparation et une véritable enquête » : ainsi Naïs Lefrançois, conservatrice au musée des Beaux-Arts de Dijon, introduit-elle l’exposition « Jean Dampt. Tailleur d’images » dont elle est commissaire.

Une première rétrospective et un catalogue raisonné

Sans doute son absence de modernité formelle, son attrait pour les sujets médiévaux et ses nombreux portraits d’enfants, sans compter les monuments aux morts qu’il conçut à la fin de sa vie, l’ont-ils relégué au purgatoire. Il y a pourtant beaucoup à dire et à admirer chez Dampt, comme le montre cette exposition, la toute première jamais consacrée à l’artiste, accompagnée de son catalogue raisonné.

Jean Dampt (1854-1945), Enfant à la pomme, 1895. Marbre, 26 x 27 x 26 cm. Dijon, musée des Beaux-Arts, acquis avec l'aide de la Région Bourgogne-Franche-Comté et de l'État dans le cadre du Fonds Régional d'Acquisition pour les Musées, 2023.

Jean Dampt (1854-1945), Enfant à la pomme, 1895. Marbre, 26 x 27 x 26 cm. Dijon, musée des Beaux-Arts, acquis avec l'aide de la Région Bourgogne-Franche-Comté et de l'État dans le cadre du Fonds Régional d'Acquisition pour les Musées, 2023. Photo service de presse. © Dijon, musée des Beaux-Arts / François Jay

Enquête sur les traces de Dampt

Pour faire renaître l’œuvre de Dampt, Naïs Lefrançois s’est faite enquêtrice, sollicitant musées et collectionneurs privés, allant sonner aux portes des anciens voisins de l’artiste, sur les traces des œuvres oubliées du sculpteur. C’est ainsi qu’elle a découvert son fonds d’atelier, mine d’informations, d’objets et de photographies éclairant le travail de Dampt et enrichissant le parcours de l’exposition. « L’un de mes souhaits est qu’elle fasse resurgir d’autres œuvres disparues, que nous connaissons par des archives ou des photographies, telles les sculptures en ivoire et en buis », espère la conservatrice.

Jean Dampt (1854-1945), Réflexion ou buste de la Comtesse de Béarn, 1897. Ivoire, poirier, bois d’amarante, cuivre, or, nacre et pierres de couleur (opales, turquoises), 30,6 x 13,7 cm. Collection privée.

Jean Dampt (1854-1945), Réflexion ou buste de la Comtesse de Béarn, 1897. Ivoire, poirier, bois d’amarante, cuivre, or, nacre et pierres de couleur (opales, turquoises), 30,6 x 13,7 cm. Collection privée. Photo service de presse. © André Morin

Un Bourguignon à Paris

Né en Côte-d’Or en 1854 et mort à Dijon en 1945, Dampt fit une longue carrière à l’écart des avant-gardes. Il eut des amis artistes, dont Edmond Aman-Jean (1858-1936), mais fréquenta peu le milieu artistique de son époque, bien qu’il se soit établi rue Campagne-Première, à Paris, dans un quartier alors bouillonnant. Ses premiers succès au Salon lui vinrent de ses figures d’enfants ; en 1881, Saint Jean-Baptiste lança sa carrière.

Jean Dampt (1854-1945), Saint Jean Baptiste, 1881. Marbre blanc, 80 x 30 x 30 cm. Paris, musée d’Orsay.

Jean Dampt (1854-1945), Saint Jean Baptiste, 1881. Marbre blanc, 80 x 30 x 30 cm. Paris, musée d’Orsay. Photo service de presse. © GrandPalaisRmn (musée d’Orsay) / Adrien Didierjean

Entre œuvres symbolistes et imaginaire médiéval

La représentation des âges de la vie demeura récurrente dans son œuvre (Le Baiser de l’aïeule, 1892) et côtoya des sujets symbolistes, des bustes figurant des personnalités et sa mécène (Réflexion ou buste de la comtesse de Béarn, 1897) et des personnages issus de l’imaginaire médiéval, tel son chef-d’œuvre, La Fée Mélusine et le Chevalier Raymondin (1894).

Jean Dampt (1854-1945), La Fée Mélusine et le Chevalier Raymondin, 1894. Acier ciselé et damasquiné, ivoire, or, H. 25 cm. Collection privée.

Jean Dampt (1854-1945), La Fée Mélusine et le Chevalier Raymondin, 1894. Acier ciselé et damasquiné, ivoire, or, H. 25 cm. Collection privée. Photo service de presse. © André Morin

La noblesse de l’artisan

Cette précieuse statuette montre là où réside l’inventivité de Dampt : dans le travail de la matière, dans son intérêt pour des matériaux divers, de la pierre de Comblanchien à l’ivoire et à la pâte à modeler – alors coûteuse et nouvelle –, qu’il travaillait seuls ou en assemblage, et dans sa revendication d’un travail artisanal. Dampt, artiste touche-à-tout, fut l’un des fondateurs du groupe l’Art dans tout, dont l’ambition était de rénover les arts décoratifs. Dans l’exposition figurent son Lit des Heures (1896), les boiseries réalisées pour la comtesse de Béarn, des bijoux, un luminaire… Toute une vie d’artiste, avec ses hauts et ses bas, ses succès et ses moments plus convenus, se dévoile ainsi au musée des Beaux-Arts de Dijon.

Jean Dampt (1854-1945), Lit des Heures, 1896. Noyer, alisier, chêne, érable, amarante, manil, prunier et mirabellier, 229 x 176 x 220 cm. Dijon, musée des Beaux-Arts.

Jean Dampt (1854-1945), Lit des Heures, 1896. Noyer, alisier, chêne, érable, amarante, manil, prunier et mirabellier, 229 x 176 x 220 cm. Dijon, musée des Beaux-Arts. Photo service de presse. © Dijon, musée des Beaux-Arts / François Jay

« Jean Dampt. Tailleur d’images », jusqu’au 9 mars 2026 au musée des Beaux-Arts de Dijon, place de la Sainte-Chapelle, 21000 Dijon. musees.dijon.fr

Catalogue, In Fine – éditions d’art, 224 p., 45 €.