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À Grasse, le musée provençal du Costume et du Bijou célèbre le pouvoir des fleurs

Vue de l’exposition, section consacrée aux fleurs imprimées.

Vue de l’exposition, section consacrée aux fleurs imprimées. © Musée provençal du Costume et du Bijou / Eva Lorenzini

Brodées, tissées ou imprimées, en bouquets, guirlandes ou semis, les fleurs sont omniprésentes dans les collections du musée provençal du Costume et du Bijou, fondé à Grasse en 1997 par Hélène Costa. L’institution, aujourd’hui gérée par ses trois filles, nous convie cet été à traverser le paradisiaque « jardin d’Hélène », au fil d’une exposition à la croisée entre mode et botanique. Un enchantement ! 

« Les fleurs représentent 80 % de la collection, car nos Provençales n’avaient pas peur des superpositions », souligne Clément Trouche, directeur du musée du costume et co-commissaire de cette enivrante exposition. Roses, œillets, lilas, violettes et jasmins, longtemps cultivés sur le territoire grassois, ont en effet envahi avec bonheur les jupes, jupons, châles et caracos entre 1750 et 1900. On les retrouve même sur les bijoux, les chapeaux, le mobilier… Une vogue dont rend compte la scénographie enveloppante et raffinée, qui déploie les motifs floraux jusque sur les moquettes et les papiers peints. L’exposition rend hommage à l’étourdissante inventivité des dessinateurs et des artisans en explorant judicieusement les trois principales techniques utilisées pour fleurir femmes (et hommes) des pieds à la tête : impression, tissage et broderie.

« Au XIXe siècle, le frou-frou ou le brouhaha des soies de Lyon, des passementeries de Saint-Étienne, des dentelles de Chantilly ou de Lille, mais aussi le coton et la gaze imprimés de Mulhouse ont les faveurs des dames. »

Catalogue de l’exposition, introduction

Imprimées par milliers

Les tissus de coton imprimés connaissent un fulgurant succès sous le règne de Louis XIV. Venus d’Orient ou produits en Europe (la manufacture de Jouy-en-Josas ouvre en 1760), ils se diffusent dans toutes les classes sociales. Si la variété des couleurs reste réduite, l’impression, réalisée le plus souvent grâce à des planches en bois gravées et parfois à l’aide d’un rouleau de cuivre, permet une remarquable finesse dans le dessin. Les teintes et les motifs évoluent au gré des modes et des avancées techniques, à l’instar du motif « bonnes herbes », mélange dense de feuillages et de fleurs sur fond sombre.

Caraco et jupe imprimés de motifs de fleurs dits « bonnes herbes », Jouy-en-Josas, vers 1795. Coton. Fichu imprimé de bouquets de fleurs des champs, Alsace, vers 1780-1790.

Caraco et jupe imprimés de motifs de fleurs dits « bonnes herbes », Jouy-en-Josas, vers 1795. Coton. Fichu imprimé de bouquets de fleurs des champs, Alsace, vers 1780-1790. © Musée provençal du Costume et du Bijou / Eva Lorenzini

Tissées à même la toile 

Les vêtements plus luxueux font un usage immodéré des précieux tissus façonnés dont les motifs sont créés au moment du tissage. Dès 1801, cette production dans laquelle excellent les soyeux de Lyon est facilitée par l’introduction du révolutionnaire métier Jacquard. L’exposition confronte deux robes d’aristocrates du XVIIIe siècle : l’une à la française, reconnaissable à ses paniers et à ses plis plats dans le dos (aussi dits « plis à la Watteau »), l’autre à l’anglaise, qui témoigne d’une simplification de la silhouette. La première est envahie d’ornements floraux et végétaux en S tandis que la seconde présente des motifs miniaturisés plus naturalistes.

À droite, robe à la française en satin rayé vert et blanc garni de passementerie de soie, vers 1780.

À droite, robe à la française en satin rayé vert et blanc garni de passementerie de soie, vers 1780. © Musée provençal du Costume et du Bijou / Eva Lorenzini

Précieuses broderies

Fichu en mousseline vaporeuse, modeste jupon piqué ou élégante veste de soie : tous les vêtements peuvent être ornés de fleurs brodées, qu’il s’agisse d’un discret semis ton sur ton ou au contraire d’opulents motifs exécutés au point de chaînette ou de Beauvais, agrémentés de fils d’or, de paillettes d’argent et de verroterie. Au siècle des Lumières, les vestes et gilets d’hommes se parent volontiers de chatoyants œillets, chardons et tulipes, bien loin de l’austérité qui s’imposera au siècle suivant. 

Habit complet d’homme brodé de la famille Walsh de Serrant, vers 1785-1790. Soie, fils de soie, paillettes d’argent et verroteries.

Habit complet d’homme brodé de la famille Walsh de Serrant, vers 1785-1790. Soie, fils de soie, paillettes d’argent et verroteries. © Musée provençal du Costume et du Bijou / Eva Lorenzini

Jupons piqués et boutissés : un emblème de la Provence

Au fil du parcours, un vêtement retient immanquablement l’attention : le jupon piqué. Devenu caractéristique du costume provençal traditionnel au XVIIe siècle, il affine le haut du corps tout en protégeant les femmes du vent, du froid et de la chaleur. Ce matelassage qui consiste à emprisonner de la ouate entre deux épaisseurs de tissu, en formant des motifs géométriques ou floraux, est réalisé à l’aiguille avant d’être progressivement mécanisé. La technique du boutis, utilisée pour orner le bas des robes et les camisoles, permet quant à elle de créer un relief plus marqué. Ces broderies en relief typiques de la Provence puisent leur origine dans les cotonnades d’Inde qui transitaient par le port de Marseille.

Jupon piqué et boutissé en coton, imprimé de roses, œillets et myosotis.

Jupon piqué et boutissé en coton, imprimé de roses, œillets et myosotis. © Musée provençal du Costume et du Bijou / Eva Lorenzini

« Le jardin d’Hélène », jusqu’au 3 novembre 2025 au musée provençal du Costume et du Bijou, 2 rue Jean Ossola, 06130 Grasse. Tél. 04 93 36 02 07. www.fragonard.com 

Catalogue de l’exposition, musée provençal du Costume et du Bijou, 64 p. 20 €.