Le média en ligne des Éditions Faton

Au-delà du visible : spectres et revenants hantent la ville de Draguignan

Ary Scheffer (1795-1858), Les Ombres de Francesca da Rimini et de Paolo Malatesta apparaissent à Dante et à Virgile, 1854. Huile sur toile, 57,7 x 81,3 cm. Hambourg, Kunsthalle.

Ary Scheffer (1795-1858), Les Ombres de Francesca da Rimini et de Paolo Malatesta apparaissent à Dante et à Virgile, 1854. Huile sur toile, 57,7 x 81,3 cm. Hambourg, Kunsthalle. © bpk | Hamburger Kunsthalle | Elke Walford

L’Hôtel départemental des Expositions du Var lève le voile sur les apparitions surnaturelles. Entre art et anthropologie, le parcours tente, en 300 œuvres, d’appréhender le phénomène des fantômes dans toute sa complexité.

« Je ne crois pas aux fantômes, mais j’en ai peur. » La formule attribuée à madame du Deffand exprime la profonde ambiguïté du rapport au surnaturel qui se retrouve dans toutes les sociétés. Les nombreux tableaux, dessins, photographies, sculptures et objets rituels réunis dans l’exposition prouvent l’omniprésence, à travers les époques et les cultures, d’un imaginaire lié à des esprits fantomatiques qui errent entre le monde des morts et celui des vivants. Selon le médecin légiste, archéologue et anthropologue Philippe Charlier, commissaire général de l’exposition, « il ne s’agit pas de savoir si les fantômes existent, mais pourquoi presque tout le monde y croit ».

Une fascination millénaire

Le parcours s’ouvre sur des témoignages antiques, dont des inscriptions funéraires et une tablette de malédiction destinée à asservir un esprit maléfique mise en relation avec une histoire de revenant rapportée par Pline le Jeune. Les représentations des fantômes, enveloppés de linceuls blancs, se développent dans l’art occidental jusqu’à atteindre une profusion inégalée au XIXe siècle. Inspirés par les drames de Shakespeare qui nourrissent l’imaginaire romantique, des tableaux comme Le Cardinal de Beaufort terrifié par l’apparition du duc de Gloucester de Füssli et Le Spectre de ­Banquo de Chassériau mettent en scène des esprits surgis de l’au-delà pour accomplir leur vengeance. Si les revenants continuent à effrayer dans les films d’horreur du XXe siècle, ils peuvent se révéler inoffensifs ou même comiques dans des bandes dessinées parodiques. Ils continuent toutefois à susciter une réflexion plus complexe sur la mémoire et la disparition dans les installations de Christian Boltanski et les photographies de Bernard Plossu et d’Alain Fleischer où apparaissent des formes énigmatiques. 

Théodore Chassériau (1819-1856), Le spectre de Banquo, 1854-1855. Huile sur bois, 53,8 x 65,3 cm. Reims, musée des Beaux-Arts.

Théodore Chassériau (1819-1856), Le spectre de Banquo, 1854-1855. Huile sur bois, 53,8 x 65,3 cm. Reims, musée des Beaux-Arts. © CC BY

Par-delà les frontières

Consacré aux « spectres d’ailleurs », le dernier volet de l’exposition offre un aperçu de la diversité des représentations de fantômes sur tous les continents, allant des figures des théâtres d’ombres thaïlandais aux statuettes mexicaines figurant des squelettes et aux costumes d’Egungun du Bénin incarnant les esprits ancestraux. Il montre aussi une grande variété de talismans et d’amulettes destinés à repousser les fantômes, comme un miroir taoïste ou un attrape-rêves d’Amérique du Nord. L’exposition s’intéresse également aux tentatives de communication avec l’au-delà. Le développement du spiritisme aux États-Unis, puis en Europe au XIXe siècle, est étudié à travers le célèbre manuscrit du Livre des Tables de Victor Hugo, accompagné d’un dessin occulte réalisé lors d’une soirée de table tournante chez l’écrivain. Ces œuvres qui en révèlent plus sur les aspirations des vivants que sur le monde des esprits évoquent la réflexion de Marguerite Yourcenar dans les Mémoires d’Hadrien : « Les paroles qu’on prête aux morts ne sont que des échos de nos propres songes ».

Peinture de yurei.

Peinture de yurei. Photo service de presse. © Coll. Ph. Ch. / LAAB / UVSQ

« Fantômes », jusqu’au 28 septembre 2025 à l’Hôtel départemental des Expositions du Var, 1 boulevard Foch, 83300 Draguignan. Tél. 04 83 95 34 08. www.hdevar.fr

Catalogue, coédition Département du Var / Snoeck, 192 p., 25 €.