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Au musée Cernuschi, l’art savant de l’estampage fait revivre la Chine antique

Liuzhou (1791-1858), Estampages de vases rituels en bronze, dynastie Qing (1644-1912), milieu du XIXe siècle. Encre sur papier. Hangzhou, musée provincial du Zhejiang.

Liuzhou (1791-1858), Estampages de vases rituels en bronze, dynastie Qing (1644-1912), milieu du XIXe siècle. Encre sur papier. Hangzhou, musée provincial du Zhejiang. Photo service de presse. © Musée provincial du Zhejiang

En partenariat avec le musée de la province chinoise du Zhejiang, le musée Cernuschi rassemble, aux côtés d’œuvres rares conservées à Paris, de précieuses créations en bronze et en céramique, et surtout de somptueux estampages épigraphiques. Cette exposition exigeante explique comment cette technique permit aux lettrés et aux moines chinois de redécouvrir des vestiges antiques et d’en assurer la diffusion.

Réalisé sous le règne des Zhou de l’Ouest (vers 1050-771 avant notre ère), un vase rituel en bronze acquis par Henri Cernuschi porte une inscription qui compte parmi les plus anciennes de l’écriture chinoise. Ces textes archaïques suscitèrent l’intérêt des érudits sous le règne de l’empereur Qianlong (1735-1796). Moines et lettrés entreprirent de collecter et d’étudier les inscriptions antiques, gravées sur la pierre ou coulées dans le bronze. Après s’être intéressés aux vases et aux stèles, aux monnaies et aux sceaux, ils scrutèrent les miroirs, les armes, ou encore des objets plus modestes comme les tuiles et les briques. Ils arpentèrent même les montagnes à la recherche d’inscriptions rupestres.

Vase Ding, dynastie des Zhou de l'Ouest (1046-771 avant notre ère). Bronze. Paris, musée Cernuschi.

Vase Ding, dynastie des Zhou de l'Ouest (1046-771 avant notre ère). Bronze. Paris, musée Cernuschi. Photo service de presse. © Musée Cernuschi

La technique de l’estampage

Pour reproduire les caractères gravés, les savants utilisèrent la technique de l’estampage. En appliquant des feuilles de papier humides qui épousaient les creux et les reliefs des objets avant de les recouvrir d’une couche d’encre, ils obtenaient un relevé fidèle des textes dans les moindres détails. Cette méthode, d’abord employée uniquement pour les inscriptions, fut progressivement adoptée pour les bas-reliefs historiés, et même pour les vases et les sculptures dans leurs trois dimensions. En cet âge pré-photographique, l’estampage devint un vecteur capital de reproduction et d’étude des vestiges du passé, dont la diffusion était assurée par le livre illustré.

He Shaoji (1799-1873), Copie de la stèle de Zheng Gu de style chancellerie, dynastie Qing (1644-1912). Encre sur papier. Hangzhou, musée provincial du Zhejiang.

He Shaoji (1799-1873), Copie de la stèle de Zheng Gu de style chancellerie, dynastie Qing (1644-1912). Encre sur papier. Hangzhou, musée provincial du Zhejiang. Photo service de presse. © Musée provincial du Zhejiang

Des créations exceptionnelles

Le moine Liuzhou (1791-1858) se fit connaître par la virtuosité qu’il déployait pour restituer à la fois la forme, le décor et les inscriptions d’une œuvre tridimensionnelle sur une unique feuille de papier. Parmi les pièces les plus remarquables de l’exposition figure un ensemble de huit estampages qui constitue le seul témoignage historique de bronzes antiques aujourd’hui perdus. Liuzhou mit également au point un nouveau genre artistique mêlant estampage et peinture. Les empreintes d’objets antiques devinrent ainsi le support de compositions florales ou végétales, produisant des effets visuels novateurs. À sa suite, de nombreux peintres, comme Wu Changshuo (1844-1927), expérimentèrent, entre le milieu du XIXe et le début du XXe siècle, les possibilités offertes par ces associations de motifs fragmentaires.

Wu Changshuo (1844-1927). « Image d'apogée de la prospérité », dynastie Qing (1644-1912), 1902. Encre et couleurs sur papier. Hangzhou, musée provincial du Zhejiang.

Wu Changshuo (1844-1927). « Image d'apogée de la prospérité », dynastie Qing (1644-1912), 1902. Encre et couleurs sur papier. Hangzhou, musée provincial du Zhejiang. Photo service de presse. © Musée provincial du Zhejiang

Vers de véritables œuvres d’art

Au-delà du champ scientifique des études épigraphiques, les estampages se transformèrent en objets de collection. D’abord découpés en bandes de papier et conservés dans des albums, ils gagnèrent en taille pour représenter la totalité d’une stèle et furent montés en rouleaux. En favorisant la diffusion des graphies archaïques, ils entraînèrent un profond renouvellement des arts, et en particulier de la calligraphie et de la peinture.

« Chine. Empreintes du passé. Découverte de l’antiquité et renouveau des arts (1786-1955) », jusqu’au 15 mars 2026 au musée Cernuschi, 7 avenue Vélasquez, 75008 Paris. Tél. 01 53 96 21 50. www.cernuschi.paris.fr

Catalogue, Paris Musées, 104 p., 25 €.