Bâle : promenade en 5 tableaux sous les latitudes boréales

Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Nuit de Printemps (détail), 1914. Huile sur toile, 115,5 x 115,6 cm. Lillehammer, Art Museum. Photo service de presse. © Camilla Damgård
La Fondation Beyeler, à Bâle, accueille l’exposition « Lumières du Nord », consacrée aux paysages boréaux. De la Finlande au Canada, en passant par la Suède et la Norvège, entre la fin du XIXe siècle et la première moitié du XXe, les artistes ont capté les variations des saisons et de la lumière sur ces étendues fascinantes, entre lacs, neige et forêts. Actu-culture.com vous propose un florilège de cinq paysages captivants, qui révèlent chacun une facette différente de ces latitudes.
« Regardez la terre grouillante de pousses, nouvelles et anciennes, jaillissant de leurs racines solides, cachées dans le sol silencieux et vivant, chaque graine selon son espèce… chacune sachant ce qu’elle doit faire, chacune revendiquant ses droits sur la terre. Alors, artiste, toi aussi, du plus profond de ton âme… laisse tes racines s’épanouir, gagnant en force. »
Emily Carr
L’attrait magnétique des aurores boréales
La toile de la Suédoise Anna Boberg (1864-1935) n’est pas la seule représentation d’une aurore boréale dans l’exposition, mais c’est peut-être la plus fascinante. L’artiste a plusieurs fois séjourné dans les îles Lofoten, au nord-ouest de la Norvège, bravant le froid et les intempéries pour en peindre les ports de pêche, les étendues glacées et la lumière si particulière des jours polaires. C’est là qu’elle a admiré les aurores boréales. Grâce à une touche rapide – ses peintures achevées et signées portent, elles aussi, le nom d’esquisses – et à une palette resserrée, Anna Boberg suggère, à défaut de pouvoir le peindre, le mouvement constant qui anime ce phénomène lumineux éphémère.
Anna Boberg (1864-1935), Aurores boréales. Esquisse du Nord de la Norvège. Huile sur toile, 97 x 75 cm. Stockholm, Nationalmuseum. Photo service de presse. © Anna Danielsson / Nationalmuseum
Au pays des mille lacs
Helmi Biese (1867-1933) a su très tôt qu’elle voulait devenir peintre. Étudiante à l’école de dessin de l’Association des arts de Finlande, elle a suivi une formation de professeure d’art dans une académie privée qu’avait aussi fréquentée Gallen-Kallela. Son œuvre montre sa fascination pour les paysages typiques de son pays : lacs, forêts et bords de mer. L’artiste se plaisait particulièrement à peindre des vues surplombantes, comme cette Vue de la crête de Pyynikki. Pour obtenir cet effet, Helmi Biese est montée sur une tour dressée sur une crête dominant le lac de Pyhäjärvi. Elle y a esquissé plusieurs études qu’elle a ensuite combinées dans ce paysage ouvert sur l’horizon et baigné de soleil, où les grandes zones lumineuses se mêlent aux ombres bleutées.
Helmi Biese (1867-1933), Vue de la crête de Pyynikki, 1900. Huile sur toile, 91 x 115 cm. Helsinki, Finnish National Gallery. Photo service de presse. © Finnish National Gallery / Aleks Talve
Promenade dans la neige fraîche
« Si quelqu’un croit encore que la neige est blanche comme neige, alors Fjæstad serait l’homme idéal pour retirer la cataracte du pauvre aveugle et lui mettre les lunettes nécessaires sur le nez », écrivit un journaliste en 1905. Le Suédois Gustaf Fjæstad (1868-1948) était déjà considéré comme « le peintre de la neige » lorsqu’il exécuta cette grande toile, Neige fraîchement tombée. L’épais tapis blanc teinté de mauve est troué par quelques empreintes de pas, mais nulle présence n’est visible. Au contraire d’Helmi Biese, adepte des larges perspectives, Gustaf Fjæstad était partisan des cadrages resserrés, ciblant dans ses compositions des détails piochés dans la nature. Partageant avec Gallen-Kallela une vision commune à l’époque dans tous les pays scandinaves, il considérait la représentation de son pays natal comme participant de la définition de l’identité nationale suédoise.
Gustaf Fjæstad (1868-1948), Neige fraîchement tombée, 1909. Huile sur toile, 191 x 250 cm. Vienne, Belvedere. Photo © Belvedere
Dans l’ombre des grands conifères
Les toiles de la Canadienne Emily Carr (1871-1945) montrent des attraits et aspects différents de la forêt boréale, observée depuis un autre continent. Née en Colombie-Britannique, elle a étudié en Californie et a voyagé en Europe avant de se réinstaller dans son pays d’origine. Elle y a noué des liens étroits avec les populations autochtones, dont elle a représenté les villages et les objets traditionnels. Vers la fin de sa vie, Emily Carr s’attacha à peindre la forêt, dense et sauvage, dans des toiles parfois à la limite de l’abstraction, où les grands conifères semblent tourbillonner. Avec Reboisement, elle évoque l’exploitation croissante des forêts au profit des industries forestières, menaçant son cadre de vie et celui des peuples autochtones.
Emily Carr (1871-1945), Reboisement, 1936. Huile sur toile, 110 x 67,2 cm. Kleinburg, McMichael Collection d’art canadien. © Actu-culture.com / L.C.
Par une nuit de pleine lune en Finlande
Parmi les peintres exposés, beaucoup sont peu connus, voire inconnus, du public français. Ce n’est pas le cas du Finlandais Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), qui a fait l’objet de plusieurs expositions à Paris – en 2012, au musée d’Orsay et en 2022, au musée Jacquemart-André. Fervent défenseur de la culture et de l’indépendance finlandaises, Gallen-Kallela a représenté les traditions, les récits mythologiques et les paysages de son pays. À l’époque où il a peint cette Nuit de printemps, il vivait au bord d’un lac à Tarvaspää, au nord-ouest d’Helsinki, et a donné naissance à une série d’œuvres proches de l’expressionnisme. Son usage de la couleur et ses cadrages y étaient renouvelés, et leur puissance évocatrice, accrue. La simple représentation d’un lac en pleine nuit, dominée par des nuances de bleus et de verts, devient un motif de contemplation, voire de méditation.
Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), Nuit de Printemps, 1914. Huile sur toile, 115,5 x 115,6 cm. Lillehammer, Art Museum. Photo service de presse. © Camilla Damgård
« Lumières du Nord », jusqu’au 25 mai 2025 à la fondation Beyeler, Baselstrasse 101, 4125 Riehen/Basel (Suisse). www.fondationbeyeler.ch/fr/