Ce que vous ignorez (peut-être) sur les fabuleux bijoux de la Renaissance exposés à la Fondation Bemberg

Attribué à Girolamo da Carpi (Ferrare 1501-Ferrare 1556), Portrait de dame (Renée de France ?) (détail) vers 1530-1540. Huile sur bois, 113,7 x 79 cm. Francfort-sur-le-Main, Städel Museum, inv. 946. Photo service de presse. © 2025 Städel Museum, Frankfurt am Main
Colliers, bagues, boutons, ceintures et ornements à chapeaux : dans l’Europe de la Renaissance, reines et rois, hommes et femmes de l’aristocratie se parent de bijoux aussi éblouissants qu’exubérants. En partenariat avec le musée national de la Renaissance – château d’Écouen, la Fondation Bemberg de Toulouse jette (enfin) un coup de projecteur sur ces extraordinaires parures mêlant dans une profusion de motifs les métaux précieux aux perles, pierres précieuses et décors émaillés. Un sujet passionnant mais étonnamment peu étudié qui permet de faire dialoguer portraits peints, gravures et bijoux pour ébranler quelques idées reçues et renouveler notre regard sur les arts à la Renaissance. Découvrez quelques faits surprenants sur ces joyaux méconnus.
« Le sujet est pratiquement inédit puisque la dernière exposition a eu lieu il y a plus de quarante ans au Victoria & Albert Museum à Londres », souligne Ana Debenedetti, directrice de la fondation et spécialiste de la Renaissance italienne. Servi par une scénographie intimiste et raffinée, le parcours s’attache donc à offrir une vision large de la parure à la Renaissance. Après avoir évoqué le métier d’orfèvre, les techniques de production, la diversité des sources d’inspiration et la diffusion des modèles, l’exposition s’intéresse aux dimensions économiques et politiques du bijou, qui peut aussi bien être un gage d’amour qu’un support de dévotion, une monnaie d’échange ou un objet prophylactique.
Attribué à Girolamo da Carpi (Ferrare 1501-Ferrare 1556), Portrait de dame (Renée de France ?), vers 1530-1540. Huile sur bois, 113,7 x 79 cm. Francfort-sur-le-Main, Städel Museum, inv. 946. Photo service de presse. © 2025 Städel Museum, Frankfurt am Main
De rares survivants
« On estime que l’on ne conserve aujourd’hui que 1 à 2 % des bijoux réalisés durant la Renaissance », souligne Julie Rohou, conservatrice au château d’Écouen et co-commissaire de l’exposition. Les raisons à cela ? Les bijoux sont avant tout des réserves monétaires, régulièrement fondus et remis au goût du jour. Il est donc d’autant plus exceptionnel d’avoir réuni à la Fondation Bemberg une soixantaine de ces précieux éléments de parure, provenant des collections d’Écouen, bien sûr, mais aussi du Louvre, du Kunsthistorisches Museum de Vienne ou du Victoria & Albert Museum de Londres.
Les bijoux, c’est pour les femmes ?
Entre l’aube du XVIe siècle et les premières décennies du XVIIe siècle, le bijou connaît en Europe un véritable âge d’or. Dans la continuité des pratiques observées durant l’Antiquité, bagues, colliers et ceintures sont autant prisés et portés par les hommes que par les femmes. En témoignent les portraits ici réunis : François Ier et Charles IX ne sont pas vêtus et parés avec moins de magnificence que Renée de France ou l’archiduchesse Anne d’Autriche. Hormis les enseignes à chapeau, plutôt masculines, la plupart des parures sont d’ailleurs mixtes !
François Clouet (1505/1510-1572), Portrait de Charles IX, entre 1561 et 1572. Huile sur bois, 36,2 x 25,4 cm. Toulouse, Fondation Bemberg, inv. 1012. Photo service de presse. © 2023 Fondation Bemberg / Mathieu Lombard
L’apparat n’a rien de futile
Le bijou a longtemps été relégué au second plan par les historiens de l’art, considéré comme un sujet mineur. Utilisé comme une liquidité au même titre que des pièces de monnaie, il est en réalité au cœur des considérations économiques et sociales, révélant notamment le rang de chacun (d’où l’importance des lois somptuaires édictées au XVIe siècle). Un monarque somptueusement paré exprime aux yeux de tous la bonne santé financière de son royaume, tandis que les ordres de chevalerie (pendentifs, bagues, colliers, cordons) lui permettent de consolider son réseau d’obligés.
Le triomphe de l’ornement
Abritant volontiers des portraits, figures hybrides et scènes historiées, le bijou de la Renaissance se caractérise par son exubérance et l’importance inédite accordée à la dimension narrative. Plus imposantes et complexes que jamais, les montures en or émaillées s’ornent de perles et de gemmes venues d’Inde ou du Nouveau Monde. Diamants, améthystes, rubis et topazes font toutefois l’objet d’une taille rudimentaire jusqu’au tournant du XVIIe siècle. Les perfectionnements alors apportés par les lapidaires anversois transformeront radicalement l’art du bijou, faisant passer la monture au second plan derrière les pierres…
Pendant en forme de Cupidon, Pays-Bas ou Allemagne, vers 1590-1620. Or émaillé, rubis, diamants, perles, H. 8,6 ; l. 4 cm. Écouen, Musée national de la Renaissance – château d’Écouen. Photo service de presse. © GrandPalaisRmn (musée de la Renaissance, château d’Ecouen) / Mathieu Rabeau
« D’or et d’éclat, le bijou à la Renaissance », jusqu’au 27 juillet 2025 à la fondation Bemberg, hôtel d’Assézat, place d’Assézat, 31000 Toulouse. Tél. 05 61 12 06 89. www.fondation-bemberg.fr
Catalogue de l’exposition, coédition In Fine / Fondation Bemberg, 240 p., 45 €.