Centenaire de l’Art déco : le MAD Paris célèbre les talents de décorateur de Jacques-Émile Ruhlmann

Jacques-Émile Ruhlmann (1879-1933) pour la Société anonyme des Anciens Établissements Desfossé & Karth, papier peint à motif répétitif, 1917 (détail). Papier, impression au cylindre. Photo service de presse. © Les Arts Décoratifs
Le musée des Arts décoratifs inaugure un nouvel espace consacré aux riches et précieuses collections de dessins, papiers peints et photographies conservées par l’institution avec une exposition-dossier mettant en lumière le talent de Jacques-Émile Ruhlmann (1879-1933) pour la conception de revêtements muraux et de tissus en harmonie avec ses créations mobilières. La découverte d’une facette méconnue de cette figure emblématique de l’Art déco constitue un beau prélude aux nombreuses manifestations programmées à l’automne pour le centenaire de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris.
Dès la création du musée des Arts décoratifs, en 1864, des œuvres sur papier ont été rassemblées afin d’offrir des modèles aux ouvriers, artisans et artistes. Ces collections n’ont depuis cessé de s’enrichir pour illustrer la richesse et la diversité des arts décoratifs, entre le XVe et le XXIe siècle. On y dénombre aujourd’hui pas moins de 200 000 dessins, 350 000 photographies et 400 000 papiers peints ! Inauguré en mars dernier, le nouveau cabinet a été créé afin de faire découvrir au public ces œuvres qui, en raison de leur fragilité, ne peuvent être exposées en permanence dans le musée. Outre ces expositions-dossiers, il pourra également accueillir des séminaires et des consultations individuelles de chercheurs et d’experts.
Le cabinet des Dessins, Papiers peints et Photographies au musée des Arts décoratifs. Photo service de presse. © Les Arts Décoratifs / Noemi Graciani
Ruhlmann dans le décor
Figure de proue de l’Art déco, Jacques-Émile Ruhlmann est avant tout célèbre pour ses meubles luxueux. On connaît moins sa passion pour les motifs. Ses textiles et papiers peints contribuent pourtant à l’harmonie des intérieurs de riches collectionneurs comme des chambres d’étudiants de la Cité universitaire. Les vingt-six carnets de dessins légués par sa veuve en 1959, entièrement numérisés, ainsi que les archives des manufactures de papiers peints avec lesquelles il a collaboré, révèlent des projets inédits, aux couleurs parfois surprenantes.
Jacques-Émile Ruhlmann (1879-1933), croquis de chaises, 1917. Papier, encre noire. Photo service de presse. © Les Arts Décoratifs
L’Art déco au pied du mur
Au tournant du XXe siècle, le renouveau du décor intérieur accorde aux papiers peints et aux textiles d’ameublement une place déterminante dans la création d’une ambiance. Ruhlmann édite lui-même ses projets – il s’associe à partir de 1919 avec Pierre-Félix Laurent et fonde les Établissements Ruhlmann et Laurent – ou les confie à des manufactures spécialisées. C’est le cas de la manufacture Desfossé & Karth, qui imprime à la planche ou à la machine une quarantaine de modèles fournis par l’ensemblier-décorateur entre 1912 et 1932. Les motifs, très variés, vont de formes cellulaires à des fleurs stylisées (pissenlits, roses, monnaie du pape…), en passant par des personnages (danseuses et flûtistes à l’antique). Les pochons – projets dessinés acceptés par la manufacture avant leur mise en production – sont réalisés dans des coloris vifs et audacieux, qui sont parfois revus à la baisse avant impression !
Jacques-Émile Ruhlmann (1879-1933) pour la Société anonyme des Anciens Établissements Desfossé & Karth, pochon de papier peint Moderne Grandes fleurs, vers 1917. Papier, gouache. Photo service de presse. © Les Arts Décoratifs
Aux petits soins pour les étudiants
Avec son associé Pierre-Félix Laurent, Ruhlmann participe à l’aménagement des chambres d’étudiants de la Cité universitaire de Paris. Entre 1925 et 1933, il contribue précisément à celles de la Fondation Deutsch de la Meurthe, de la Maison du Japon et de la Maison des Provinces de France. Des photographies de cette dernière témoignent du confort moderne et de l’intimité des pièces. Elles permettent de montrer les papiers peints en situation et de constater l’harmonie qu’ils forment avec le mobilier contemporain et les tissus d’ameublement. Deux modèles à petits motifs stylisés présentés ici ont été redécouverts en 2002 à l’occasion de travaux de rénovation.
Jacques-Émile Ruhlmann (1879-1933) pour la Société anonyme des Anciens Établissements Desfossé & Karth, petit échantillon de papier peint, 1917-1918. Papier continu à pâte mécanique, fond jaune brossé mécaniquement, impression au cylindre en quatre couleurs. Photo service de presse. © Les Arts Décoratifs
Le Pavillon du Collectionneur : l’apothéose
Impossible de parler du travail de Ruhlmann sans évoquer l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, qui se déroule à Paris d’avril à novembre 1925, et le fameux Pavillon du Collectionneur – vite rebaptisé Pavillon Ruhlmann ! – qui mobilise près de cinquante artistes de renom aux spécialités variées. Cette demeure idéale et luxueuse lui permet d’exprimer son talent d’ensemblier qui accorde de main de maître meubles, revêtements muraux, orfèvrerie, céramique, tapis et luminaires. Un damas de Cornille Frères ainsi qu’un dessin de Jean Lambert-Rucki pour les portes d’un bahut laqué par Jean Dunand témoignent ici de ces collaborations.
Anonyme, Pavillon du Collectionneur, vue extérieure de la Rotonde, 1925, tirage gélatino-argentique. Photo service de presse. © Les Arts Décoratifs
Un anniversaire très attendu
Cette exposition inaugurale s’inscrit dans le cadre des manifestations prévues cet automne à l’occasion du centenaire de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes. Le musée des Arts décoratifs accueillera ainsi à partir du 21 octobre une vaste présentation des multiples incarnations de l’Art déco, de ses débuts dans les années 1910 à ses réinterprétations contemporaines, en passant par sa redécouverte en 1971. Les nombreux chefs-d’œuvre de sa collection, la plus importante au monde, seront mis à l’honneur. La Cité de l’architecture et du patrimoine, quant à elle, redonnera vie, à partir du 24 octobre, aux pavillons de l’Exposition internationale qui s’égrainaient du Grand Palais aux Invalides, et rendra hommage à cette génération d’artistes – Auguste Perret, Pierre Patout, Tony Garnier, Robert Mallet-Stevens… – qui posa les fondations d’un nouveau style architectural, à la fois visionnaire et profondément ancré dans son temps.
Jacques-Émile Ruhlmann (1879-1933) pour la Société anonyme des Anciens Établissements Desfossé & Karth, pochon de papier peint Monnaie du pape, 1914-1917. Papier, gouache. Photo service de presse. © Les Arts Décoratifs
« Ruhlmann décorateur », jusqu’au 1er juin 2025 au musée des Arts décoratifs, 107 rue de Rivoli, 75001 Paris. Tél. 01 44 55 57 50. www.madparis.fr
Album, Les Arts Décoratifs, 48 p., 12 €.