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Eugène Boudin, précurseur de l’impressionnisme (4/12). Dialogue avec Jongkind

Johan Barthold Jongkind, Bateaux de pêche à Dordrecht, 1869. Aquarelle et pierre noire, 23 x 28,5 cm. Paris, musée d’Orsay, conservé au musée du Louvre.

Johan Barthold Jongkind, Bateaux de pêche à Dordrecht, 1869. Aquarelle et pierre noire, 23 x 28,5 cm. Paris, musée d’Orsay, conservé au musée du Louvre. © RMN (musée d’Orsay) – M. Urtado

Il existe une apparente symétrie entre ces deux « précurseurs » de l’impressionnisme que sont Jongkind et Boudin. Même génération, aspirations, sujets de prédilection et trajectoires relativement semblables (jusqu’à l’intervention d’Isabey qui inspire et favorise l’un et l’autre).

Né dans l’est des Pays-Bas, Johan Barthold Jongkind (1819-1891) quitta son emploi chez un notaire pour gagner La Haye en 1837. Il y devint l’élève d’un paysagiste pleinairiste, Andreas Schelfhout (1787-1870), qui l’initia à l’aquarelle rapide « sur le motif ». Les débuts de Jongkind furent en outre marqués, comme ceux de Boudin, par l’exemple de l’une des plus influentes traditions picturales en matière de paysages et de marines, celle des Provinces-Unies du XVIIe siècle, école qui ménageait une place significative au ciel (typiquement les deux tiers supérieurs de la composition). En 1845, il croisa la route d’Eugène Isabey qui l’invita à rejoindre son atelier à Paris et lui fit découvrir les plages normandes. Ce fut le tournant de sa vie.

« Jongkind commençait à faire avaler une peinture dont l’écorce un peu dure cachait un fruit excellent et des plus savoureux. »

Eugène Boudin

Deux sensibilités parallèles

En 1862, Jongkind, à l’issue d’une période très difficile, fit la rencontre de Boudin, par le truchement d’un élève d’Isabey. Les deux hommes partageaient une inclination pour le paysage de plein air ainsi que pour l’étude exacte des effets de la lumière sur le ciel et l’élément liquide. L’année suivante, Jongkind se fixa temporairement à Honfleur. La question de l’antériorité du Normand ou du Néerlandais dans le développement d’un paysage maritime, notamment, présentant des qualités atmosphériques voisines a souvent été soulevée. Nanti d’un solide bagage technique, Jongkind atteignit sa maturité artistique plus tôt que son collègue français. Exposé au Salon dès 1848, il accéda à une certaine reconnaissance publique et critique (il reçut une médaille de 3e classe en 1852, et l’État acquit deux de ses tableaux en 1851 et 1853).

Johan Barthold Jongkind, La Plage de Sainte-Adresse, 1863. Aquarelle sur esquisse au crayon noir, 29,9 x 53,2 cm. Paris, musée d’Orsay, conservé au musée du Louvre.

Johan Barthold Jongkind, La Plage de Sainte-Adresse, 1863. Aquarelle sur esquisse au crayon noir, 29,9 x 53,2 cm. Paris, musée d’Orsay, conservé au musée du Louvre. © RMN (musée d’Orsay) – T. Le Mage

Un tempérament tourmenté

Ces débuts prometteurs furent pourtant entravés par une précarité aggravée par l’alcoolisme et par un tempérament tourmenté, traversé de crises paranoïaques. Boudin rendra sans barguigner hommage à cet initiateur venu du Nord, à la fois reconnu et malheureux : « Jongkind commençait à faire avaler une peinture dont l’écorce un peu dure cachait un fruit excellent et des plus savoureux. » Il louera, en particulier, ses aquarelles exécutées en plein air (Jongkind continuait en revanche à peindre ses toiles en atelier), rendues merveilleuses par une spontanéité rapide que les impressionnistes tâcheront de retrouver : « C’est fait avec rien, et pourtant la fluidité du ciel et la densité des nuages y sont traduites avec une précision inimaginable1. » Quant à Monet, il reconnaîtra, en 1900, l’ample dette contractée à l’égard de celui qui, « complétant l’enseignement » reçu de Boudin, « fut à partir de ce moment [s]on vrai maître […] ».

1 Cité dans V. Hefting, Jongkind, sa vie, son œuvre, son époque, Paris, Arts et Métiers graphiques, 1975, p. 60.

« Eugène Boudin, le père de l’impressionnisme : une collection particulière », du 9 avril au 31 août 2025 au musée Marmottan Monet, 2 rue Louis Boilly, 75016 Paris. Tél. 01 44 96 50 33. www.marmottan.fr

Catalogue sous la direction de Laurent Manœuvre, coédition musée Marmottan Monet / éditions In fine, 280 p., 35 €.
À lire également : Eugène Boudin, Suivre les nuages le pinceau à la main (Correspondances 1861-1898), édition établie et présentée par Laurent Manœuvre, L’Atelier contemporain, 752 p., 30 €.

Sommaire

Eugène Boudin, précurseur de l’impressionnisme

4/12. Dialogue avec Jongkind

5/12. Dialogue avec Isabey (à venir)

6/12. Le défi de la marine (à venir)

7/12. La figure et l’horizon : les plages (à venir)

8/12. L’eau et le ciel en terres du Nord (à venir)

9/12. Un passage par la nature morte (à venir)

10/12. Nager en plein ciel (à venir)

11/12. Le « père » de l’impressionnisme ? (à venir)

12/12. Dialogue avec Monet (à venir)