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Eugène Boudin, précurseur de l’impressionnisme (8/12). L’eau et le ciel en terres du Nord

Eugène Boudin, La Meuse à Dordrecht, 1884. Huile sur toile, 46 x 64,7 cm. Dordrecht, Dordrechts Museum.

Eugène Boudin, La Meuse à Dordrecht, 1884. Huile sur toile, 46 x 64,7 cm. Dordrecht, Dordrechts Museum. © akg-images

Les voyages entrepris par Boudin en Belgique puis dans les Pays-Bas l’immergent dans des sites rêvés pour un peintre de l’eau et du ciel comme lui (quoi qu’en ait pensé un artiste bougon) et dans des lieux qui ont inspiré une école de peinture où son art du paysage du littoral et des marines s’enracine.

Boudin doit son plus long séjour en Belgique au Bruxellois Léon Gauchez, critique et directeur de la revue L’Art qui pense l’imposer, ainsi que son collègue Jongkind, sur le marché belge. L’état de chaos résultant de l’écrasement de la France par les Prussiens (qui fait s’exiler d’innombrables peintres désœuvrés en Angleterre ou ailleurs) décide l’artiste honfleurais à répondre à l’invitation de Gauchez au cours de l’hiver 1870.

S’imposer en Belgique ?

Établi d’abord à Bruxelles, il doit faire ses preuves avant de bénéficier de commandes des amateurs belges, ce qui ne va pas sans mal, ces derniers escomptant des tableaux minutieusement finis, « à la loupe » selon les mots du peintre. Après Bruxelles, l’Escaut et Anvers où Boudin s’installe en juillet 1871 afin de briguer la clientèle des amateurs brabançons prêts à payer généreusement les vues de la ville et de ses environs. Bien que le Brabant et son climat éprouvant ne plaisent guère à l’artiste (le mal du pays le tient manifestement, et Boudin trouve tout juste intéressantes ces cités flamandes dont « on fait grand bruit »), bien que l’entreprise ne porte pas entièrement ses fruits (l’artiste cessera d’être en affaires avec Gauchez dès 1871, semble-t-il), les « paysages belges » comptent parmi les plus séduisants de l’œuvre. Admirables de fluidité, tout à la fois liquides et aériens, ils montrent sous des cieux superbes des lieux – vues urbaines ou marines – dont ils paraissent capter l’essence même.

Eugène Boudin, L’Escaut à Anvers,  vers 1871-74. Huile sur bois, 43,5 x 58,4 cm. Yale, University Art Gallery.

Eugène Boudin, L’Escaut à Anvers, vers 1871-74. Huile sur bois, 43,5 x 58,4 cm. Yale, University Art Gallery. Photo courtesy Yale University Art Gallery

Les bords de Meuse selon Boudin

Il n’en va pas différemment pour ses paysages « hollandais ». Boudin se rend pour la première fois à Rotterdam et à Scheveningen (dont la plage est, pour les maîtres hollandais, un sujet pictural depuis le XVIIe siècle) en 1873 (?), puis de nouveau en 1878. En 1884, on le retrouve à Dordrecht, en Hollande, jugeant, à juste titre, le pays pittoresque et la rivière « superbe » (quand il daigne renoncer à son habitude de maugréer et de tout rapporter au paysage français). Avec ou sans moulins typiques, ses captivantes représentations des sites des bords de la Meuse, exposées au Salon, assureront au peintre un début de reconnaissance officielle. Montrée au Salon de la Société des artistes français l’année de sa création, La Meuse à Rotterdam (1881, aujourd’hui au musée d’Orsay) lui vaut ainsi une médaille de 3e classe (dite parfois « des débutants »…). Le tableau sera plus tard acheté à son auteur par Durand-Ruel (1888), pour 1 500 francs. En 1882, Boudin expose Sur la Meuse, environs de Rotterdam qui correspondrait au beau tableau jadis offert par Sir Alfred Chester Beatty à la National Gallery of Ireland (Dublin). Relevons que le peintre semble avoir ignoré complètement l’école de La Haye, contemporaine, dont les paysagistes empruntent, comme lui, à la fois au Siècle d’or hollandais et aux peintres de Barbizon. Hendrik Willem Mesdag (1831-1915), l’un des représentants de cette école (lequel expose très régulièrement au Salon, à Paris), lui rendra la politesse : Boudin constitue une lacune criante dans sa collection de peintures françaises du temps.

« Eugène Boudin, le père de l’impressionnisme : une collection particulière », du 9 avril au 31 août 2025 au musée Marmottan Monet, 2 rue Louis Boilly, 75016 Paris. Tél. 01 44 96 50 33. www.marmottan.fr

Catalogue sous la direction de Laurent Manœuvre, coédition musée Marmottan Monet / éditions In fine, 280 p., 35 €.
À lire également : Eugène Boudin, Suivre les nuages le pinceau à la main (Correspondances 1861-1898), édition établie et présentée par Laurent Manœuvre, L’Atelier contemporain, 752 p., 30 €.

Sommaire

Eugène Boudin, précurseur de l’impressionnisme

8/12. L’eau et le ciel en terres du Nord

9/12. Un passage par la nature morte

10/12. Nager en plein ciel

11/12. Le « père » de l’impressionnisme ?

12/12. Dialogue avec Monet (à venir)