Exposition Louis XV à Versailles (11/13). L’opéra royal : l’ultime chantier du règne

La salle vue de l'opéra royal de Versailles depuis la scène. © RMN / Château de Versailles – J.-M. Manaï
En ordonnant la construction d’un opéra, Louis XV, roi bâtisseur, acheva en quelque sorte le château tel que son aïeul l’avait souhaité. Il dota ainsi la France de l’un de ses plus beaux théâtres.
À sa mort en 1715, Louis XIV léguait à son arrière-petit-fils un Versailles presque achevé. Seul manquait encore un grand théâtre destiné à accueillir des spectacles d’envergure. Son emplacement était pourtant prévu : l’extrémité septentrionale de l’aile du Nord, édifiée à la fin des années 1680. Mais faute d’une réelle volonté, les travaux tournèrent court. Le peu de goût manifesté par Louis XV pour le théâtre ne joua guère en faveur de la reprise du projet. Les spectacles ordinaires de la cour, auxquels le roi n’assistait pour ainsi dire jamais, se déroulaient tant bien que mal dans le petit théâtre aménagé au fond de la cour des Princes et qui datait de 1682. Peu commode, mal équipée, cette salle qui pouvait accueillir environ 300 spectateurs fonctionna quasiment jusqu’à la Révolution. Pour les spectacles requérant plus d’espace, la construction de salles éphémères et modulables à souhait offrait une solution pratique, mais coûteuse.
« Ange Jacques Gabriel mit vingt ans à convaincre Louis XV. »
Un projet longtemps mûri
Nommé premier architecte du roi en 1742, Ange Jacques Gabriel proposa rapidement de construire le grand théâtre qui manquait encore, non pour accueillir toutes les manifestations théâtrales de la cour, mais seulement les événements les plus brillants et dont le public dépassait celui des courtisans stricto sensu. L’architecte mit vingt ans à convaincre Louis XV. Ce délai lui permit de faire évoluer son projet selon les goûts du temps et surtout de s’inspirer des plus belles salles d’Italie sur lesquelles il fit réunir une abondante documentation. Le projet final que le roi approuva en 1763 offrait une synthèse de ces salles italiennes, tout en adoptant un style résolument français, avec des balcons filants et en retrait les uns par rapport aux autres offrant comme une lointaine réminiscence des théâtres antiques. Le chantier fut long et souvent interrompu, tant les fonds arrivaient avec irrégularité. On parvint toutefois à achever le théâtre pour le terme fixé : les noces du futur Louis XVI, petit-fils du roi, avec la jeune archiduchesse Marie-Antoinette, célébrées à Versailles en mai 1770.
Jean-Michel Moreau le Jeune, Représentation d’Athalie de Racine dans l’opéra royal de Versailles, le soir du 23 mai 1770, fêtes du mariage du Dauphin et de l’archiduchesse Marie-Antoinette, 1770. Plume et encre noire, rehauts de lavis gris sur papier vergé filigrané, 25,2 x 29,6 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © RMN / Château de Versailles – G. Blot
Le dialogue de l’architecte et du roi
Féru d’architecture, Louis XV suivit avec attention l’avancée des travaux et la réflexion de Gabriel, dont le style architectural passa peu à peu du rocaille au « goût à la grecque » qui s’imposait alors. Le roi fut-il à l’origine de la décision de supprimer le quatrième balcon au profit de l’élégante colonnade qui rehausse l’élévation de la salle et lui confère cette impression de légèreté et d’ouverture sur l’extérieur ? Il intervint en tout cas de façon certaine à deux reprises, d’abord pour modifier le deuxième balcon, puis pour imposer la place des lustres pour les spectacles. Gabriel avait en effet prévu d’aménager une imposante loge d’apparat au centre des deuxièmes loges. Surmontée d’un grand baldaquin dont les caryatides avaient déjà été commandées au sculpteur Pajou, cette loge constituait une véritable révolution en modifiant fondamentalement la place traditionnelle dévolue au souverain qui, en France, se situait « en bas », c’est-à-dire au centre du parterre ou de l’amphithéâtre qui le surmontait. Louis XV rejeta sans appel cette nouveauté et décida de faire transformer cette loge d’apparat en une loge privée, munie de grilles escamotables et d’où il pourrait assister aux spectacles sans être vu lorsque l’étiquette ne requérait pas sa présence à l’amphithéâtre. Par ailleurs, il préconisa que, lors des spectacles (et non pour les banquets ou les bals), on place les lustres au niveau du troisième balcon.
« Louis XV. Passions d’un roi », du 18 octobre 2022 au 19 février 2023 au château de Versailles, place d’Armes 78000 Versailles. Tél. 01 30 83 75 05. www.chateauversailles.fr
Catalogue sous la direction de Yves Carlier et Hélène Delalex, In Fine / Château de Versailles, 496 p., 49 €.
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