Exposition Louis XV à Versailles (12/13). Le roi en ses Petits Appartements

Le cabinet de la Pendule. Versailles, château de Versailles. Photo service de presse. © Château de Versailles – T. Garnier
La visite des Petits Appartements de Louis XV est des plus intéressantes pour qui souhaite prolonger la découverte de l’exposition dédiée au roi. Elle permet à la fois de mieux percevoir les liens particuliers du souverain avec cette résidence avant lui entièrement tournée vers l’apparat et d’admirer le raffinement exceptionnel des décors intérieurs venus enrichir Versailles sous son règne.
En juin 1722, Louis XV, près de sept ans après la mort de Louis XIV, retourne à Versailles. Le palais de son bisaïeul n’a guère changé. Progressivement, le jeune souverain va modifier l’intérieur de la résidence, imprimant la marque d’un monarque beaucoup plus réservé et timide et contribuant ainsi à faire du XVIIIe siècle le siècle de l’intimité. S’il poursuit les travaux de son arrière-grand-père en aménageant notamment dans les intérieurs le salon d’Hercule, couronné par une époustouflante Apothéose d’Hercule peinte par Lemoyne, et le bassin de Neptune dans les jardins, il s’attache en revanche à créer des espaces plus réduits dotés de nombreux petits cabinets, d’arrière-cabinets, voire de très-arrière-cabinets. C’est ainsi que dès 1723 naît la cour des Cerfs, autour de laquelle, comme dans un hôtel particulier, va se déployer toute la vie quotidienne du roi…
« Le monarque, volontiers mélancolique, est plus en confiance en compagnie d’une société restreinte. »
Un roi timide
Orphelin de père et de mère à l’âge de 2 ans, Louis XV est d’une nature réservée. Son mentor, le cardinal de Fleury, saisit très vite que le monarque, volontiers mélancolique, est plus en confiance en compagnie d’une société restreinte. Ce caractère dicte dès lors l’aménagement de l’appartement intérieur du roi. Au-delà de ce qui n’est encore que le cabinet des Perruques de Louis XIV, partie la plus privée de Versailles, Louis XV fait aménager, tout au long du règne, dans l’ancien appartement de collectionneur de son prédécesseur, de nouveaux espaces. Ainsi, sur la cour de Marbre et la cour Royale se déploient sa nouvelle chambre à coucher aménagée en 1738, où Louis XV mourra le 10 mai 1774, le cabinet de la Pendule, le Cabinet intérieur (ou grand cabinet d’Angle), qui prend jour sur l’une et l’autre cour et qui fut somptueusement orné de boiseries par Jacques Verberckt, ou encore la salle à manger dite « aux salles neuves ». Autour de la cour des Cerfs se distribuent l’antichambre des chiens et la salle à manger des Retours de chasse (à l’est), une salle de bains, le cabinet de chaise et le nouveau cabinet des Perruques (à l’ouest), tandis que dans la continuité du cabinet d’Angle vient prendre place le cabinet des Dépêches.
La chambre à coucher de Louis XV. Versailles, château de Versailles. Photo service de presse. © Château de Versailles – T. Garnier
Le cabinet d’Angle
Avec sa double exposition sur la cour de Marbre et la cour Royale, le cabinet d’Angle permit à Louis XV de suivre du regard, depuis le balcon, le cortège funèbre de sa précieuse amie, Mme de Pompadour, morte durant l’hiver 1764. La pièce a retrouvé son mobilier d’origine, notamment le secrétaire à cylindre commandé à Jean-François Œben en 1760 et achevé par Jean Henri Riesener en 1769. Ce somptueux décor rocaille a fait l’objet d’une restauration en 2021.
Le cabinet d’Angle. Versailles, château de Versailles. Photo service de presse. © Château de Versailles – T. Garnier
La convivialité des repas
Ces lieux ne sont pas anodins et répondent à des usages précis. C’est en effet au cours du XVIIIe siècle que sont créées des pièces à usage spécifique. Il en est ainsi des salles à manger dès lors que le cardinal de Fleury comprend l’importance pour Louis XV d’organiser des repas plus intimes, notamment après le retour de la chasse, pour entretenir son pouvoir de dispensateur des grâces. Comme sous Louis XIV lors des fameux « Marly », être invité à ces soupers privés marque une véritable reconnaissance que tout grand seigneur se doit d’atteindre… L’étiquette n’est donc pas en rupture avec ce qui se faisait au règne précédent, elle évolue dans une forme de continuité. Les soupers sont les Marly et Trianon d’autrefois. D’ailleurs, à l’instar de son bisaïeul, le roi dresse lui-même sa liste d’invités qu’il donne à un huissier pour faire entrer les heureux élus dans ses cabinets intérieurs.
Une adaptation de l’étiquiette
Durant les années 1720-1740 coexistent trois types de repas pris en particulier : les soupers des retours de chasse, pris au premier étage dans différents lieux avant d’être accueillis dans la salle à manger que l’on voit aujourd’hui et qui date de 1755 ; les soupers des petits cabinets au deuxième ou au troisième étage, et une sorte de compromis entre ces deux premiers, le repas se prenant tantôt chez le roi, tantôt chez la favorite, en l’occurrence chez Mme de Pompadour. Par la suite, tout cela est une nouvelle fois réorganisé et un service intérieur spécifique, le « service des Petits Appartements », voit le jour en 1759 sous la houlette de Dominique Guillaume Lebel, l’un des premiers valets de chambre du roi. Le duc de Croÿ a saisi toute l’importance de ces moments intimes et note dans son Journal à la date du 30 janvier 1747 : « La liberté et la décence [y étaient] bien observées : le Roi était gai, libre, mais toujours avec une grandeur qui ne le laissait pas oublier. Il ne paraissait plus du tout timide, mais fort d’habitude, parlant très bien et beaucoup, se divertissant et sachant se divertir. »
La salle à manger des Retours de chasses. Versailles, château de Versailles. Photo service de presse. © Château de Versailles – T. Garnier
Les salles de bains
Autre grande nouveauté du siècle des Lumières : la salle de bains. Même si ce type de pièces n’existait pas au XVIIe siècle (même à Versailles, le roi se faisait apporter une baignoire dans sa chambre), la légende du manque d’hygiène à la cour est largement battue en brèche depuis de longues années, a fortiori pour le XVIIIe siècle au cours duquel, au château, les espaces dédiés à la toilette se multiplient. On peut citer la salle de bains située au revers de la Grande Galerie et dont l’une des entrées se fait directement par la salle du Conseil, ce qui témoigne du degré d’imbrication du public et du privé à Versailles. Mentionnons aussi celle qui fut aménagée au revers du cabinet de la Vaisselle d’or. Louis XVI, qui transformera cette pièce en cabinet de la Cassette, conservera fort heureusement les superbes boiseries dues à Antoine Rousseau et ses fils, qu’on admire encore aujourd’hui. Les médaillons, créés d’après des gravures, déroulent le thème des plaisirs aquatiques.
Le cabinet de la Cassette. Versailles, château de Versailles. Photo service de presse. © Château de Versailles – T. Garnier
Le cabinet de la Pendule
Aujourd’hui, dans le cabinet de la Pendule aménagé par Louis XV autour de la fameuse pendule conçue par Claude Siméon Passemant (voir « Le Bien-Aimé et les sciences » ), on peut voir une réduction de la statue équestre qu’Edme Bouchardon avait exécutée pour la place Louis XV. Au sol, une baguette de cuivre matérialise le méridien de Versailles.
Le cabinet de la Pendule (détail). Versailles, château de Versailles. Photo service de presse. © Château de Versailles – T. Garnier
Le « secret du roi »
À partir de 1745, Louis XV a dans l’idée de faire élire son cousin le prince de Conti sur le trône de Pologne, pays qui occupe une place stratégique au cœur de l’Europe. Pour y parvenir, il déploie tout un réseau parallèle à sa diplomatie officielle, à la tête duquel il place précisément le prince. Si le projet d’obtenir la couronne polonaise ne se concrétise pas, Louis XV, pris au jeu des intrigues, n’abandonne pas pour autant son réseau d’espions, lequel, sous la houlette du comte de Broglie à partir de 1756, se déploie dans toute l’Europe. Il compte dans ses rangs le célèbre chevalier d’Éon ou encore Vergennes, futur secrétaire d’État des Affaires étrangères de Louis XVI. Toute cette politique se tient dans l’arrière-cabinet du roi, aussi appelé cabinet des Dépêches en raison des missives secrètes envoyées par le souverain, situé immédiatement après le cabinet d’Angle. Si la pièce fut légèrement modifiée sous Louis XVI (une petite vitrine signée Riesener fut placée sous Louis XVI pour présenter les montres royales), elle n’en conserve pas moins les deux trumeaux de glace sculptés vers 1732 par Desgoullons tandis que le cabinet de chaise à l’ouest conserve son décor lambrissé des années 1750.
Le cabinet des Dépêches. Versailles, château de Versailles. Photo service de presse. © Château de Versailles – T. Garnier
Le cabinet du Conseil
S’il a fait profondément réaménager les espaces autour de la cour des Cerfs et de sa petite cour intérieure, que seuls ses plus intimes connaissaient, Louis XV n’en a pas pour autant oublié « l’appartement du roi » qui s’étend au-delà de l’escalier de la Reine. La modification majeure a toutefois consisté dans l’agrandissement du cabinet du Conseil. Voulant donner plus d’ampleur à ce dernier, il a fait abattre en 1755 la cloison qui séparait l’ancien cabinet du Conseil de Louis XIV (au sud) et le cabinet des Perruques (ou des Termes). Le dessin en est de Gabriel et les somptueuses boiseries des Rousseau.
Le cabinet de Madame de Pompadour
En passant par les cabinets intérieurs de ses appartements, Louis XV pouvait rejoindre l’appartement de la marquise de Pompadour. Situé au second étage du corps central du château, il compte aujourd’hui quatre pièces en enfilade. Certains repas du roi avec ses proches amis se tenaient là, dans l’une des antichambres. Remeublés selon le goût de l’époque, les lieux peuvent se visiter avec un guide et sur réservation.
Le cabinet de Madame de Pompadour. Versailles, château de Versailles. Photo service de presse. © Château de Versailles – T. Garnier
Les Petits Appartements de Louis XV ne sont pas accessibles en visite libre, mais une visite guidée quasi quotidienne, à 10h, permet de les découvrir. En complément, découvrez aussi l’appartement du Dauphin qui a rouvert en 2022 après dix années de fermeture. C’est dans la perspective de retrouver autant que possible l’état des lieux lors du réaménagement de 1750 sous la houlette de Gabriel que la restauration a été menée à bien. Réservation sur www.chateauversailles.fr
« Louis XV. Passions d’un roi », du 18 octobre 2022 au 19 février 2023 au château de Versailles, place d’Armes 78000 Versailles. Tél. 01 30 83 75 05. www.chateauversailles.fr
Catalogue sous la direction de Yves Carlier et Hélène Delalex, In Fine / Château de Versailles, 496 p., 49 €.
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