Exposition Louis XV à Versailles (13/13). L’appartement de Madame Du Barry a retrouvé son éclat

Vue de l'appartement de Madame Du Barry restauré et remeublé. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © Château de Versailles - D. Saulnier
Tandis que s’ouvre au château de Versailles une exposition hors norme dédiée à Louis XV, qui s’attache à comprendre comment il vécut et l’homme qu’il était, l’un des appartements les plus raffinés de la résidence royale, celui de Mme Du Barry, se dévoile au public fraîchement restauré après dix-huit mois de chantier. C’est l’occasion de redécouvrir un témoin majeur des évolutions du décor intérieur à la fin du règne de Louis XV et du goût en la matière de la dernière favorite du roi.
Outre la date de son aménagement, assez tardive dans le siècle, et le fait qu’il soit resté longtemps habité, c’est peut-être l’emplacement de l’appartement, situé sous les combles, au second étage du château, qui a préservé l’endroit des destructions qu’il aurait pu subir à la Révolution et sous Louis-Philippe. Sa situation était pourtant fort convoitée lorsque Louis XV décida d’y loger sa favorite, à proximité immédiate de son propre appartement aménagé autour de la cour des Cerfs, de sorte qu’il pouvait la rejoindre par le fameux « degré du roi » et quelques autres escaliers privés. Confié à la supervision d’Ange Jacques Gabriel, le nouvel aménagement consistait en une enfilade de quinze salles, dont les trois pièces de réception (salon d’angle, grand cabinet et chambre) donnaient sur la cour de Marbre. La maîtresse des lieux souhaitait que les principales pièces soient ornées d’un décor blanc et or ; ce privilège, exclusivement princier, lui fut accordé. Pour le reste de l’appartement, elle fit réaliser des décors polychromes d’une exquise élégance, qui sont parmi les rares de ce type encore conservés – y compris à Versailles. « C’est un appartement à plusieurs visages, ce qui le rend terriblement attachant », résume Frédéric Didier, architecte en chef des monuments historiques, en charge du chantier.
La chambre à coucher
Comme la salle à manger et les espaces d’apparat, la chambre fait partie des pièces où le parquet a été repeint dans une teinte jaune comme du temps de la favorite et selon la recette de l’époque.
Chambre à coucher de Madame Du Barry. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Photo service de presse. © Château de Versailles – T. Garnier
Des merveilles scrupuleusement préservées
Si une restauration était nécessaire – aucune intervention n’ayant été menée depuis plus de soixante-dix ans –, elle ne devait, compte tenu de l’état de préservation exceptionnel des décors, risquer d’en altérer le charme. Les travaux menés entre 1943 et 1947, fort bien documentés, avaient déjà rendu à l’appartement la disposition qui était la sienne en 1770. C’est donc pour l’essentiel une restauration à l’identique qui a été conduite, complétée par des travaux de consolidation et de mise aux normes. Une fois reprises par endroits les sculptures des boiseries, la dorure ancienne a été nettoyée, restaurée et complétée dans les pièces principales. Dans les salles aux décors polychromes, les corniches en stuc ont été restaurées et des sondages menés sur les panneaux de lambris pour préciser la palette d’origine (verre émeraude, rose lilas parfois mêlé de beige, bleu outremer). Ceci fait, on a procédé à la remise en couleur des décors. L’ensemble des cheminées et tous les ouvrages de serrurerie ont fait l’objet d’une attention particulière.
La bibliothèque
La bibliothèque créée pour Madame Adélaïde fut réinstallée ici à la demande de Mme Du Barry et réaménagée confortablement en boudoir. Elle abritait plus de 1 000 volumes.
La bibliothèque de l'appartement de Madame Du Barry. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Photo service de presse. © Château de Versailles – T. Garnier
L’esprit du remeublement
L’élégance des décors parvenus jusqu’à nous rend d’autant plus regrettable la dispersion intégrale du mobilier qui eut lieu au lendemain du départ de Mme Du Barry, laquelle y fut contrainte par le roi lui-même lorsque son état (il avait contracté la variole quelques jours plus tôt) empira. Il est extrêmement difficile de retrouver la trace de meubles et d’objets qui, bien que de prestigieuse provenance, ne sont pas « royaux » au sens strict. Du temps de la favorite, qui y vécut de 1770 à 1774, l’appartement était richement meublé. Soucieuse d’élégance autant que de modernité, la comtesse faisait appel à des fournisseurs qui s’efforçaient de satisfaire ses goûts personnels : les marchands parisiens Simon Philippe Poirier et Jean Dulac. Le menuisier Louis Delanois, le sculpteur Claude Nicolas Guichard et le peintre doreur Jean-Baptiste Clagny œuvrèrent largement à la réalisation des chaises, fauteuils et canapés qui meublaient abondamment les pièces de réception. Pas moins de neuf meubles à plaques de porcelaine de Sèvres furent livrés par Poirier, aux côtés de meubles à panneaux en laque du Japon et tables en bois précieux. La comtesse achetait parfois directement des services de porcelaine à la manufacture de Sèvres et s’entoura de sculptures de Lemoyne et Pajou et de tableaux français ou nordiques. C’est dans la pièce des Buffets au précieux décor lilas et beige que l’on entreposait les éléments dédiés au service de la salle à manger contiguë. Des pièces somptueuses, issues des différents services de porcelaine que possédait Mme Du Barry, ont été réinstallées dans le vaste placard d’origine, où les visiteurs les découvriront.
La salle des Buffets de l'appartement de Madame Du Barry. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Photo service de presse. © Château de Versailles – T. Garnier
La salle à manger
Louis XV et sa favorite recevaient ici un cercle restreint d’invités pour des repas raffinés. Les deux consoles en bronze doré et marbre ont été choisies pour la salle à manger car elles furent exécutées d’après le dessin de meubles stylistiquement très proches de l’esprit du mobilier de Mme Du Barry.
La salle à manger de l'appartement de Madame Du Barry. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Photo service de presse. © Château de Versailles – D. Saulnier
Du mobilier d’origine exceptionnel
Du mobilier d’origine, on verra ici des chaises en médaillon du salon d’angle par Delanois, une table en pierre dure de l’ébéniste Martin Carlin ainsi qu’une paire de vases-girandoles en provenance de Sèvres. Un serre-bijoux à plaques de porcelaine de Martin Carlin, proche de celui de Mme Du Barry, une paire de vases et deux pièces de Sèvres viennent en complément illustrer les goûts personnels de la favorite, au voisinage d’autres objets des années 1765-1775 qui contribuent à l’évocation d’un environnement quotidien d’exception.
Vue du cabinet d’angle de l’appartement de Madame Du Barry. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Photo service de presse. © Château de Versailles – T. Garnier
Le cabinet d’angle
Dans le cabinet d’angle de Madame Du Barry ont pris place, aux côtés de chaises d’origine de Delanois, quatre fauteuils exécutés en 1775 pour l’un des cabinets du comte d’Artois à Versailles. L’un d’eux a fait l’objet de plusieurs opérations de restauration et a reçu une nouvelle dorure. Quant à la très belle cheminée en marbre griotte de style rocaille, elle a été nettoyée et lustrée à la cire.
Le cabinet d’angle de l’appartement de Madame Du Barry. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Photo service de presse. © Château de Versailles – T. Garnier
L’appartement de Mme Du Barry n’est pas accessible en visite libre, mais sur visite guidée. Tarif plein 10 €. Pour réserver ou pour en savoir plus, rendez-vous sur www.chateauversailles.fr.
« Louis XV. Passions d’un roi », du 18 octobre 2022 au 19 février 2023 au château de Versailles, place d’Armes 78000 Versailles. Tél. 01 30 83 75 05. www.chateauversailles.fr
Catalogue sous la direction de Yves Carlier et Hélène Delalex, In Fine / Château de Versailles, 496 p., 49 €.
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