François Décorchemont, magicien du verre à Conches-en-Ouche

François Décorchemont (1880-1971), Ave Maria, 1934, vitrail. Paris, galerie Tourbillon, Paris. Photo service de presse. © Photo P. Aubert
Trois ans après son installation dans l’ancienne abbaye bénédictine de Conches-en-Ouche (27), le musée du Verre François Décorchemont rend hommage, sous la forme d’une grande rétrospective, à l’enfant du pays dont il a pris le nom.
Alors que ses œuvres sont notamment collectionnées par le musée d’Orsay et celui des Arts décoratifs, le maître verrier et peintre François Décorchemont (1880-1971) demeure peu connu du grand public. Mais les habitants de sa région natale qui fréquentent la trentaine d’églises de l’Eure dont il a créé les vitraux ne l’ont pas oublié.
Sa technique de vitrail est unique
À Paris, 300 m² de verrières (1934-1938) qui illuminent de leurs couleurs éclatantes la nef et le chœur de Sainte-Odile (XVIIe arrondissement) témoignent magnifiquement du talent de Décorchemont. Sa technique est unique : sertis de ciment, les vitraux sont réalisés en pâte de verre. Un processus lent et complexe car chaque élément, moulé séparément, est constitué d’un épais mélange de cristaux de verre de différentes couleurs qui, en fondant, produisent un effet pictural et même, dans certains cas, du relief. Selon Éric Louet, directeur du musée et commissaire de l’exposition, l’artiste a travaillé avec huit à dix personnes pour réaliser les verrières de Sainte-Odile, sans compter le pâtissier qui, chargé du sertissage, coulait le ciment à la douille…
Un alchimiste très indépendant
Venu au vitrail à la fin des années 1920, alors que la crise économique mondiale le mettait en difficulté et qu’il cherchait de nouveaux débouchés, Décorchemont s’est comporté, dans ce domaine, comme il l’avait toujours fait, en expérimentant ses propres recettes. Son petit-fils, le maître verrier Antoine Leperlier, raconte comment il l’a formé en le laissant improviser. C’est de la même manière que son arrière-grand-père, le sculpteur Émile Décorchemont, professeur à l’école des Arts décoratifs de Paris, avait poussé son fils François à s’initier empiriquement aux arts du feu, le grès d’abord puis la pâte de verre. Si ses premiers grès émaillés ont été cuits dans la cheminée de l’appartement familial parisien avec beaucoup de casse, le jeune homme avait, en 1902, acquis suffisamment d’expérience pour dessiner son athanor, un four à pétrole installé à Conches.

Anonyme, François Décorchemont faisant ses mélanges de couleurs, 1928, photographie. Coll. Conches, MVFD. Photo service de presse. © DR
Vers la lumière
L’exposition montre son cheminement, depuis les pots, vases et boîtes de grès des années 1901-1902 jusqu’aux premiers vitraux, conçus d’abord comme des écrans, décorant l’espace domestique avant de devenir des œuvres monumentales d’art civil ou religieux. Les premières pâtes de verre, réalisées à la cire perdue, datent de 1903. Très vite, Décorchemont passe à l’estampage, qui permet la réalisation de séries. La production se diversifie : coupes, vases et même figurines, comme la Fée Esterelle (1910), personnage emprunté à un conte normand.

François Décorchemont (1880-1971), Fée Esterelle, 1910, verre. Paris, musée d'Orsay. Photo service de presse. © GrandPalaisRmn (musée d’Orsay) / Jean Schormans
De l’Art nouveau à l’Art déco
Viennent enfin les luxueuses pâtes de verre épaisses de style Art nouveau, moulées à la cire perdue, présentées aux différents salons auxquels l’artiste participe. Les années 1920 le conduisent à produire une matière plus translucide, des monochromes à effet de nuées et des vases à décor stylisé. 1930 signe l’adoption d’un style architecturé Art déco et la réalisation de grandes pièces uniques ou en très petites séries, taillées et polies à la main. C’est aussi l’époque où Décorchemont se tourne de nouveau vers la peinture, dont quelques exemples sont présentés dans l’exposition.
« François Décorchemont. L’alchimie de la matière, de la couleur et de la lumière », jusqu’au 30 novembre 2025 au musée du Verre François Décorchemont, 25 rue Paul Guilbaud, 27190 Conches-en-Ouche. Tél. 02 32 30 90 41. www.museeduverre.fr







