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Gallen-Kallela et Albert Edelfelt : la peinture finlandaise s’invite à Paris

Albert Edelfelt, Vue sur Haikko, 1899. Huile sur toile. Helsinki, musée d'Art de l'Ateneum, galerie nationale de Finlande, collections Antell.

Albert Edelfelt, Vue sur Haikko, 1899. Huile sur toile. Helsinki, musée d'Art de l'Ateneum, galerie nationale de Finlande, collections Antell. Photo service de presse. © Finnish National Gallery / Hannu Pakarinen

La Finlande est à l’honneur dans les musées parisiens. Le Petit Palais et le musée Jacquemart-André consacrent leurs expositions à deux artistes majeurs de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, Albert Edelfelt et Akseli Gallen-Kallela.

Albert Edelfelt, le plus parisien des artistes finlandais

Albert Edelfelt (1854-1905) est de retour à Paris ! Après une première formation artistique à Helsinki puis à Anvers, « le plus parisien des artistes finlandais » s’établit à l’âge de vingt ans dans la capitale pour y entreprendre une carrière de peintre d’histoire. Il entre à l’École des Beaux-Arts, étudie dans l’atelier de Gérôme et rencontre son premier succès trois ans plus tard, au Salon de 1877 où il expose La Reine Blanche. Inspirée par l’histoire médiévale scandinave, l’œuvre met en scène la jeune reine en train de chanter une ballade à son fils, le futur roi de Suède et de Norvège Hakan Magnusson. Edelfelt, qui accorde une grande importance au décor historique, se rend au musée de Cluny afin d’en étudier les collections qui lui servent de modèles pour le mobilier. Il poursuit dans cette voie en présentant au Salon de grandes compositions historiques, mais commence à faire évoluer son style sous l’influence de Bastien-Lepage et du naturalisme. Il représente des scènes de plein air, peintes durant les étés qu’il passe à travailler en Finlande où il acquiert une maison à Haikko. La vie quotidienne sur les rives de la mer Baltique et des immenses lacs de son pays natal lui inspire de nouvelles toiles, baignées par la lumière de l’été nordique, qui obtiennent des succès grandissants à Paris. Le Service divin au bord de la mer est même acquis par l’État en 1882 : c’est la première œuvre finlandaise à entrer dans les collections publiques françaises.

« La virtuosité avec laquelle Edelfelt renouvelle le genre bien établi du portrait d’apparat […] lui confère une renommée internationale. »

L’artiste remporte un nouveau succès au Salon de 1886 où son portrait de Louis Pasteur fait l’admiration générale et lui vaut la Légion d’honneur. Le scientifique qui venait de mettre au point le vaccin contre la rage y est représenté en plein travail. Acheté par l’État, ce tableau en devient même une allégorie de la Science. La virtuosité avec laquelle Edelfelt renouvelle le genre bien établi du portrait d’apparat, surtout face à Bonnat qui avait également exposé un portrait de Pasteur, lui confère une renommée internationale. Le tsar Alexandre III lui commande un portrait de ses enfants Michael et Xenia, empreint de naturel et de spontanéité. Ce même regard bienveillant qu’il porte sur ses modèles se retrouve dans les nombreuses œuvres qui mettent en scène des marins et des paysans finlandais. En 1889, il retourne définitivement en Finlande tout en conservant des liens étroits avec la scène artistique parisienne où il continue d’exposer régulièrement. Ses magnifiques paysages émerveillent le public des Salons. Lors de l’Exposition universelle de 1900, il joue un grand rôle dans l’organisation de la section finlandaise et s’affirme comme un modèle pour la jeune génération d’artistes dont fait partie son ami Gallen-Kallela.

Albert Edelfelt, Portrait de Louis Pasteur, 1885. Huile sur toile. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, en dépôt au musée d’Orsay.

Albert Edelfelt, Portrait de Louis Pasteur, 1885. Huile sur toile. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, en dépôt au musée d’Orsay. Photo service de presse. © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Martine Beck-Coppola

Akseli Gallen-Kallela et le Kalevala

Dans la lignée d’Albert Edelfelt, Akseli Gallen-Kallela (1865-1931) puise son inspiration dans les paysages finlandais. Ses débuts sont marqués par le naturalisme, il dépeint la vie des paysans et des ouvriers dans son pays natal. Son style évolue considérablement tout au long de sa carrière. Gallen-Kallela se tourne d’abord vers le symbolisme. Bouleversé par la perte de sa fille, il réalise des œuvres influencées par l’ésotérisme alors en vogue, sur le thème de la mort et des cycles cosmiques, comme La Rivière des morts ou Ad Astra dont il sculpte même les panneaux en bois doré. Car il pratique aussi la sculpture et réalise les cadres en bois de ses toiles. Cette aspiration à l’œuvre d’art totale le pousse à concevoir lui-même Kalela, sa maison-atelier, dont il dessine la décoration intérieure en créant des modèles de tapisseries et de vitraux. Gallen-Kallela ne se lasse pas de peindre les paysages environnants, les forêts profondes et les immenses lacs, empreints d’une dimension mystique. Comme son ami le compositeur Sibelius, il est inspiré par les légendes ancestrales recueillies par l’ethnologue Elias Lönnrot dans le Kalevala publié pour la première fois en 1835. Le triptyque La Légende d’Aïno qui remporte un succès considérable en Finlande lui vaut une grande notoriété. Il explore ensuite d’autres voies, se rapproche du fauvisme et de l’expressionnisme avec ses Skieurs où il expérimente des aplats de couleurs très vives en une grande liberté de touche. Quant à la mode du japonisme, elle influence ses choix de cadrages audacieux et de formats inattendus, en particulier pour ses paysages. Dans ces œuvres qui font sa renommée, le traitement de la nature, d’où disparaît presque toute trace humaine, est parfois poussé jusqu’à la stylisation. Gallen-Kallela accorde un soin particulier à la lumière et aux reflets sur l’eau ou sur la neige dont il rend à merveille l’éclat éblouissant. Seules quelques empreintes de lynx attestent qu’aux yeux du peintre, inquiet des ravages de l’industrialisation, la nature est habitée par des présences invisibles et sacrées.

Akseli Gallen-Kallela, Le Lac Keitele, 1905. Huile sur toile, 53 x 66 cm. Londres, National Gallery.

Akseli Gallen-Kallela, Le Lac Keitele, 1905. Huile sur toile, 53 x 66 cm. Londres, National Gallery. Photo service de presse. © The National Gallery, London 2022

 

Et aussi…

Au château de Maisons, une exposition retrace un pan méconnu de l’histoire des lieux et fait revivre l’effervescence artistique qui y régna lors de l’été 1882. Propriétaire du château de 1877 à 1900, le peintre Wilhelm Tilman Grommé, né à Saint-Pétersbourg, y invita son ami le maître finlandais Adolf von Becker, accompagné par ses deux élèves, Gunnar Berndtson et Albert Edelfelt. Ils s’inspirèrent du château et de ses jardins pour y réaliser des œuvres qui retrouvent temporairement le lieu de leur création.

« Albert Edelfelt (1855-1905). Lumières de Finlande », du 10 mars au 10 juillet 2022 au Petit Palais, avenue Winston Churchill, 75008 Paris. Tél. 01 53 43 40 00. www.petitpalais.paris.fr
Catalogue, Paris Musées, 224 p., 35 €.

« Gallen-Kallela. Mythes et nature », du 11 mars au 25 juillet 2022 au musée Jacquemart-André, 158 boulevard Haussmann, 75008 Paris. Tél. 10 45 62 11 59. www.musee-jacquemart-andre.com
Catalogue, Culturespaces / Fonds Mercator, 184 p., 32 €.

« 1882, un été nordique au château de Maisons », du 12 mars au 27 juin 2022 au château de Maisons, 2 avenue Carnot, 78600 Maisons-Laffitte. Tél. 01 39 62 01 49. www.chateau-maisons.fr