Le média en ligne des Éditions Faton

La perle dans tout son éclat à l’École des arts joailliers

Henri Vever (1854-1942), devant de corsage, 1905. Perles du Mississipi, diamants, émail, or, argent. Collection Faerber.

Henri Vever (1854-1942), devant de corsage, 1905. Perles du Mississipi, diamants, émail, or, argent. Collection Faerber. Photo service de presse. © Faerber

Pour sa deuxième exposition en son nouvel écrin de l’hôtel de Mercy-Argenteau, l’École des arts joailliers fait revivre l’époque méconnue où Paris était la capitale du commerce mondial de la perle. L’éblouissante présentation qui réunit des chefs-d’œuvre de haute joaillerie célèbre le pouvoir de fascination de la gemme nacrée.

« C’était une perle non percée, ronde, grosse comme une belle cerise, et telle qu’elle paraissait non pas recevoir la froide lumière départie aux numéros pairs de la rue La Fayette, mais émettre une clarté égale et voilée », s’enthousiasme Colette, subjuguée par « son énigme d’instables couleurs, son rose insaisissable qui captait un bleu neigeux, puis l’échangeait contre un mauve fugitif ». Tout en transcrivant son émerveillement devant une gemme exceptionnelle, la romancière décrit l’univers de la joaillerie parisienne au début du XIXe siècle. Elle se fait l’écho d’un monde oublié, celui des enfileuses de perles qui gagnaient leur vie en remplaçant les fils de soie des colliers, à une époque où la seule rue La Fayette comptait 300 négociants en perles fines.

Van Cleef & Arpels, broche Gladiateur, 1956. Or jaune, émeraudes, rubis, perle baroque, perles fines, diamants. Collection Van Cleef & Arpels.

Van Cleef & Arpels, broche Gladiateur, 1956. Or jaune, émeraudes, rubis, perle baroque, perles fines, diamants. Collection Van Cleef & Arpels. Photo service de presse. © Collection Van Cleef & Arpels

Paris, centre mondial du commerce de la perle

Grâce à la ténacité de marchands et de joailliers comme Léonard Rosenthal et Jacques Cartier, Paris était devenu, au tournant du XIXe et du XXe siècle, le centre mondial du commerce de la perle, éclipsant Londres qui avait contrôlé le marché international depuis sa conquête de l’Inde. C’est dans la capitale française qu’étaient négociées et montées les plus belles gemmes provenant du golfe persique. Le cours des perles était alors plus élevé que celui des diamants. Un collier pouvait valoir une véritable fortune, au point que Pierre Cartier obtint un hôtel particulier sur la 5e Avenue de New York en échange d’un double rang de 138 perles. Car la difficulté de réunir des gemmes similaires était telle qu’il fallait parfois des décennies pour composer des parures d’exception, comme le rang de perles noires créé pour la reine Isabelle II d’Espagne. Le somptueux collier à cinq rangs, qui constitue l’une des pièces majeures de l’exposition, fut ainsi l’œuvre de deux générations de joailliers.

Collier « Belle Époque » à cinq rangs de perles fines, vers 1910. Perles fines, platine. Collection privée, avec l’autorisation du Albion Art Jewellery Institute.

Collier « Belle Époque » à cinq rangs de perles fines, vers 1910. Perles fines, platine. Collection privée, avec l’autorisation du Albion Art Jewellery Institute. Photo service de presse. © Albion Art Jewellery Institute

L’âge d’or de la perle

Dans le Paris de la Belle Époque, les perles resplendissent sur les colliers des élégantes ou, plus discrètement, sur les épingles de cravate des dandys. Associées aux diamants, elles composent d’éblouissantes parures, à l’image du collier et des boucles d’oreilles montées par Boucheron pour Lady Wolverton. René Lalique, Paul et Henri Vever, ou encore Georges Fouquet magnifient les gemmes nacrées pour les transformer en pétales de fleurs sur des broches en émail et des devants de corsage. Cette « perlomanie » culmine dans les années 1920. Les joyaux Art déco jouent sur le contraste entre l’orient de la perle et le noir profond de l’onyx. Les gemmes nacrées dansent sur les longs sautoirs, illuminent les pendentifs et les épingles à chapeaux, étincellent sur les nécessaires et les sacs du soir. Mais la concurrence des perles de culture japonaises et la crise économique de 1929 mettent fin à cet âge d’or de la perle fine dans la haute joaillerie parisienne.

« Paris, capitale de la perle », jusqu’au 1er juin 2025 à l’École des arts joailliers, 16 bis boulevard Montmartre, 75009 Paris. Tél. 01 70 70 38 40. lecolevancleefarpels.com

Catalogue, coédition l’École des arts joailliers / Norma, 240 p., 42 €.