L’art de vivre à l’orientale à l’Hôtel départemental des expositions du Var

Panneau de revêtement à la joute poétique (détail). Ispahan (Iran), palais de Tchehel Sutun (?), XVIIe siècle. Céramique siliceuse, décor de glaçures colorées de type cuerda seca. Paris, musée du Louvre, département des Arts de l’Islam, OA 3340. Photo service de presse. © 2012 Musée du Louvre, Dist. Grand-Palais RMN, Raphaël Chipault
De la Mésopotamie à l’Inde moghole en passant par l’Égypte ancienne, la Perse, l’Espagne arabo-andalouse ou encore l’Empire ottoman, l’Hôtel départemental des expositions du Var, en partenariat avec le musée du Louvre, nous invite à un formidable voyage dans l’espace et le temps à la découverte des jardins et palais d’Orient. Variant dans leurs usages – on y festoie, médite, déclame de la poésie… –, les jardins, signes ostentatoires de richesse et de pouvoir, sont de véritables prolongements des palais qu’ils jouxtent. Ils se parent d’éléments architecturaux spécifiques (kiosques, terrasses à colonnades notamment), qui jouent sur l’ouverture et la fermeture, l’ombre et la lumière. Ces espaces extérieurs possèdent également une forte charge symbolique, liée à la vie et à la résurrection, et ancrée dans des mythes fondateurs. Petit florilège d’un riche parcours en 260 œuvres, issues des collections du Louvre (et, pour la majorité, de son département Arts de l’Islam), mais aussi des fonds de quatorze institutions de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Coffret : Adam et Ève au paradis terrestre
Comment évoquer les jardins d’Orient sans revenir au premier d’entre eux, le jardin d’Éden du livre de la Genèse dans la Bible ? Mythe fondateur pour les trois monothéismes (judaïsme, christianisme et islam), inspiré de modèles mésopotamiens, il est le lieu de l’âge d’or perdu de l’humanité. Ce coffret d’une vingtaine de centimètres de haut représente ce paradis terrestre sur ses quatre faces : Adam et Ève se tiennent près de l’arbre de la Connaissance, entourés d’animaux, au centre de panneaux encadrés de rinceaux peuplés d’oiseaux. Issu d’une commande portugaise datant de la période coloniale, ce petit élément de mobilier d’une très grande finesse témoigne probablement d’un art indo-portugais.
Ceylan (Asie méridionale), vers 1650-1675. Ivoire d’éléphant, argent, bois, alliage ferreux. Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art, MRR 89. Photo service de presse. © 2006 Musée du Louvre, Dist. Grand-Palais RMN, Martine Beck-Coppola
Panneau de revêtement à la joute poétique
Ce magnifique panneau, d’environ 1,75 m de long et 1,20 m de haut, ornait un pavillon royal d’Ispahan, dernière capitale des empereurs safavides d’Iran (1501-1736). Prolongeant le jardin au sein même du palais, le décor présente deux personnages princiers entourés de deux serviteurs, au cœur d’une végétation luxuriante. L’un semble déclamer de la poésie et l’autre écrit. Il pourrait s’agir d’une scène de joute poétique, jeu de lettrés où un concurrent donne le premier hémistiche d’un vers, que le second s’emploie à compléter. En Orient, le jardin est aussi un lieu de déclamation de la poésie, comme de méditation ou de festivités.
Ispahan (Iran), palais de Tchehel Sutun (?), XVIIe siècle. Céramique siliceuse, décor de glaçures colorées de type cuerda seca. Paris, musée du Louvre, département des Arts de l’Islam, OA 3340. Photo service de presse. © 2012 Musée du Louvre, Dist. Grand-Palais RMN, Raphaël Chipault
Jali (écran de fenêtre) au treillis floral
Équivalent du moucharabieh proche-oriental, le jali indien participe de la continuité entre palais et jardin : cette paroi ajourée en pierre sculptée permet de donner de l’ombre et d’aérer les intérieurs des riches demeures, tout en laissant une visibilité sur les espaces extérieurs. D’un grès rose orangé très souvent utilisé à partir du XIIIe siècle dans l’architecture islamique de l’Inde du Nord, cet exemple composé de motifs floraux date de la période moghole (1526-1858).
Inde, 1600-1650. Grès sculpté et ajouré. Paris, musée du Louvre, département des Arts de l’Islam, MAO 2045. Photo service de presse. © 2011 Musée du Louvre, Dist. Grand-Palais RMN, Hughes Dubois,
Kudurru (fragment)
Illustrant le rôle essentiel de l’eau dans les jardins, ce kudurru babylonien représente Éa, dieu des eaux douces souterraines, monté sur un animal fantastique et portant un vase dont jaillissent deux flots. Il est surmonté des symboles de la triade céleste : Shamash (le soleil), Sîn (le croissant de lune) et Ishtar (l’étoile représentant Vénus). Stèles commémorant le don d’une terre donnée par le roi à un vassal, les kudurrus invoquaient la protection des divinités. Ils étaient placés dans des temples ou en bordure du terrain concerné. Celui-ci a été découvert lors de fouilles menées à Suse en 1898-1899 : il faisait partie d’un butin de guerre rapporté de Babylonie au XIIe siècle avant notre ère.
Suse (Iran), 1595-1155 avant notre ère. Calcaire. Paris, musée du Louvre, département des Antiquités orientales, SB 3227. Photo service de presse. © 2006 Grand-Palais RMN (musée du Louvre), Franck Raux
Panneau au danseur
Fabriqué au Caire sous la dynastie des Fatimides d’Égypte (969-1171), ce fragment de panneau d’ivoire sculpté et ajouré d’un peu moins de 15 cm de long était sans doute un élément d’un mobilier luxueux (parement de trône ou pourtour de coffret). On y voit, sur fond de grappes de raisin et de rinceaux de pampres de vigne, un personnage dansant sous les yeux d’un homme coiffé d’un turban et qui porte une coupe à ses lèvres. Ce décor illustre la dimension festive (danse, musique, festins) des jardins princiers d’Orient.
Égypte, XIe-XIIe siècle. Ivoire sculpté, ajouré, gravé et peint (traces). Paris, musée du Louvre, département des Arts de l’Islam, OA 6265/2. Photo service de presse. © 2018 Grand-Palais RMN (musée du Louvre), Mathieu Rabeau
Pyxide sans couvercle
Joyau des arts islamiques des collections du Louvre, cette pyxide a été sculptée par les ivoiriers très réputés de Madinat al-Zahra, capitale d’al-Andalus de 936 à 1031. Fondée par le calife omeyyade Abd al-Rahman III, à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Cordoue, elle était – avant Istanbul ou Ispahan – une « ville-jardin », à l’urbanisme conçu pour faire la part belle à la verdure. Cette boîte de 10 cm de diamètre, initialement pourvue d’un couvercle, est ornée de quatre médaillons entourés de décors floraux. La face visible ici montre un roi, identifiable à sa coupe et au podium sur lequel il trône, au côté d’un musicien ; elle illustre les liens étroits entre jardins et pouvoir.
Madinat al-Zahra (Espagne), 950-975. Ivoire d’éléphant sculpté et gravé. Paris, musée du Louvre, département des Arts de l’Islam, OA 2774. Photo service de presse. © 2005 Musée du Louvre, Dist. Grand-Palais RMN, Raphaël Chipault
Statue d’Osiris
Dans l’Égypte ancienne, le jardin et le végétal de manière générale sont symboliquement associés à la mort et à la résurrection. Osiris en est la parfaite incarnation : il est à la fois dieu de la fertilité de l’Égypte et seigneur du royaume des morts. Les rituels de commémoration de son meurtre et de sa résurrection par Isis comportaient des mises en terre de graines germées pour attirer les faveurs du dieu sur la fertilité des sols. Cette statue en basalte de 80 cm de haut rappelle par sa couleur la terre noire limoneuse de la vallée du Nil. Osiris y est représenté assis, portant la couronne atef et tenant d’une main le sceptre héqa à l’extrémité recourbée, de l’autre le fléau, symbole agricole et nourricier.
Égypte, 664-332 avant notre ère (Basse Époque). Basalte. Paris, musée du Louvre, département des Antiquités égyptiennes, E18847. Photo service de presse. © 2004 Musée du Louvre, Dist. Grand-Palais RMN, Christian Décamps
« Jardins et palais d’Orient », jusqu’au 6 avril 2025 à l’Hôtel départemental des expositions du Var, 1 boulevard du Maréchal Foch, 83300 Draguignan. Tél. 04 83 95 34 08 et hdevar.fr