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Le flou et la mémoire de l’Histoire : la Fondation Louis Vuitton offre à Gerhard Richter sa plus vaste rétrospective

Gerhard Richter (né en 1932), Lesende [Femme lisant], 1994 (CR 804). Huile sur toile, 72 x 102 cm.  San Francisco, San Francisco Museum of Modern Art.

Gerhard Richter (né en 1932), Lesende [Femme lisant], 1994 (CR 804). Huile sur toile, 72 x 102 cm. San Francisco, San Francisco Museum of Modern Art. Photo service de presse. © Gerhard Richter 2025 (18102025)

Après les couleurs éclatantes de David Hockney au printemps 2025, la Fondation Louis Vuitton met en lumière toutes les nuances chromatiques explorées par Gerhard Richter. Elle offre au peintre allemand sa plus grande exposition à ce jour en réunissant, pour la première fois, 275 œuvres, réalisées entre 1962 et 2024, qui retracent l’ensemble de sa création.

L’univers énigmatique de Gerhard Richter se déploie à travers les 34 salles de la Fondation Louis Vuitton, qui a réussi à rassembler ses célèbres peintures à l’huile, mais aussi des œuvres moins connues (dessins au crayon et à l’encre, aquarelles, photographies peintes, sculptures en acier et en verre) prêtées par plus d’une centaine d’institutions et de collections particulières. Depuis Table (1962), désigné par l’artiste comme son premier tableau jusqu’à ses dessins les plus récents, le parcours chronologique entraîne le visiteur au cœur de ses multiples expérimentations picturales.

Du flou à l’abstraction 

Inspirés de photographies de famille ou d’images de presse, ses tableaux se caractérisent le plus souvent par leur aspect flou qui renvoie à la fragilité de la mémoire et au poids du passé. Les traumas de l’histoire hantent l’œuvre de Gerhard Richter (né à Dresde en 1932). Le portrait en uniforme de son Oncle Rudi, tué au cours de la Seconde Guerre mondiale, et la vue aérienne de sa ville natale bombardée, semblent annoncer le cycle Birkenau, réalisé en 2014. À force d’estompage, le motif finit par se dissoudre, notamment dans sa série inspirée par L’Annonciation de Titien (Venise, Scuola Grande di San Rocco), à la limite de l’abstraction.

Gerhard Richter (né en 1932), Verkündigung nach Tizian [Annonciation d’après le Titien], 1973 (CR 343-1). Huile sur toile, 125 x 200 cm. Washington DC, Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Smithsonian Institution.

Gerhard Richter (né en 1932), Verkündigung nach Tizian [Annonciation d’après le Titien], 1973 (CR 343-1). Huile sur toile, 125 x 200 cm. Washington DC, Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Smithsonian Institution. Photo service de presse. © Gerhard Richter 2025 (18102025)

La part du hasard 

Au fil des décennies, Gerhard Richter ne cesse d’explorer les possibilités de son médium, développant différentes façons d’appliquer la couleur sur la toile : au pinceau, au couteau à palette ou au racloir. Après ses monochromes gris, il réalise ses célèbres Peintures abstraites composées de plusieurs strates de couleurs vives et contrastées, révélées de manière aléatoire. Par sa gamme de vert et de gris, Cage rend hommage au compositeur américain qui introduisit la notion d’indétermination en musique. L’importance accordée au hasard dans la création se retrouve dans ses Nuanciers chromatiques, en particulier 4900 Couleurs, formé de 196 panneaux de 25 carrés de couleurs différentes, faisant référence à ses expérimentations pour la réalisation du vitrail destiné à la cathédrale de Cologne.

Gerhard Richter (né en 1932), Cage (6), 2006 (CR 897-6). Huile sur toile, 300 x 300 cm. Collection particulière.

Gerhard Richter (né en 1932), Cage (6), 2006 (CR 897-6). Huile sur toile, 300 x 300 cm. Collection particulière. Photo service de presse. © Gerhard Richter 2025 (18102025)

Un œuvre multiple 

En parallèle, Gerhard Richter continue à métamorphoser les genres traditionnels du portrait, du paysage (avec ses vues de Venise) et de la nature morte (comme ses Bougie et Crâne). Son œuvre, qui échappe à toute définition, s’ouvre également au dessin, à l’aquarelle et à la photographie peinte. Entre miroir et transparence, ses sculptures en panneaux de verre jouent sur l’ambiguïté dans la perception. Leurs reflets mouvants renvoient à l’opposition fondamentale entre représentation et effacement qui traverse l’ensemble de l’œuvre de l’artiste.

« Gerhard Richter », jusqu’au 2 mars 2026 à la Fondation Louis Vuitton, 8 avenue du Mahatma Gandhi, 75116 Paris. Tél. 01 40 69 96 00. www.fondationlouisvuitton.fr 

Catalogue de l’exposition, coédition Citadelles & Mazenod / Fondation Louis Vuitton, 396 p., 49,90 €.