Maria Cosway : l’ascension d’une femme des Lumières

Maria Cosway (1760-1838), Jeune Fille dansant au bord de la mer au clair de lune, 1801. Plume et encre brune, aquarelle, peinture à l’huile sur papier. The Whitworth, The University of Manchester.

Maria Cosway (1760-1838), Jeune Fille dansant au bord de la mer au clair de lune, 1801. Plume et encre brune, aquarelle, peinture à l’huile sur papier. The Whitworth, The University of Manchester. Photo service de presse. © DR

Née à Florence de parents anglais, Maria Cosway (1760-1838) a eu une destinée hors du commun. Artiste reconnue à Londres et Paris où elle tisse un impressionnant réseau amical et mondain, elle s’impose finalement comme une pionnière dans l’éducation des jeunes filles, à Lyon puis Lodi. La maison natale de Pascal Paoli retrace le singulier destin de cette amie intime du père de la patrie corse.

« L’histoire de Maria Cosway est celle d’une émancipation », résume l’historienne de l’art Amandine Rabier, commissaire de l’exposition. Son mariage avec le talentueux miniaturiste anglais Richard Cosway, également collectionneur, de vingt ans son aîné, a été à la fois une bénédiction et un poids. Elle confie ainsi, dans une lettre autobiographique, regretter que son mari ne l’ait pas « autorisée à [se] ranger parmi les peintres professionnels ». Pourtant, ce couple d’esthètes mondains a su construire un solide réseau de relations artistiques et politiques.

Devenir la nouvelle Angelica Kauffmann

Admirateur sincère de sa belle et élégante épouse, Richard l’immortalise volontiers au balcon de leur demeure londonienne de Schomberg House, ou vêtue de somptueux costumes inspirés par Rubens. Mais Maria ne se contente pas du rôle de muse. Ambitionnant très tôt de devenir la nouvelle Angelica Kauffmann, elle n’hésite pas à se confronter aux critiques sexistes encore tenaces, et exposera pas moins d’une quarantaine de portraits et de peintures d’histoire à la Royal Academy of Arts, entre 1781 et 1801. En 1803 pourtant, la créative et ambitieuse artiste qui avait su briller au sein de la haute société londonienne puis parisienne change radicalement de trajectoire : après le décès tragique de sa fille Louisa, cette fervente catholique choisit de se dédier tout entière à l’éducation des jeunes filles, optant dès lors pour la mesure et la raison…

Retour en grâce en 2022

Bénéficiant des travaux récents dédiés aux femmes artistes, Maria Cosway a dû attendre 2022 pour qu’une première rétrospective lui soit consacrée en Italie. Organisé par la fondation qui porte son nom, l’événement prenait place entre les murs de l’établissement pour jeunes filles qu’elle avait créé en 1812 à Lodi, en Lombardie. Si le musée maison natale de Pascal Paoli à ­Morosaglia lui rend aujourd’hui hommage, c’est parce qu’elle fut une amie intime du « Babbu di a Patria », rencontré à Londres. Les quelques lettres conservées de Paoli à sa « dixième muse » pendant les vingt années de leur intense correspondance ponctuent le parcours qui réunit une cinquantaine de dessins, toiles et estampes de Maria et Richard Cosway.

Richard Cosway (1742-1821), Maria Luisa Caterina Cecilia Hadfield, vers 1782-1783. Graphite et aquarelle. Londres, National Portrait Gallery.

Richard Cosway (1742-1821), Maria Luisa Caterina Cecilia Hadfield, vers 1782-1783. Graphite et aquarelle. Londres, National Portrait Gallery. Photo service de presse. © DR

Un destin exceptionnel

Si l’exposition accorde une place de choix aux projets de gravures, quelques œuvres majeures ont pu être prêtées, comme le ­touchant autoportrait brossé par la jeune Maria âgée de 18 ans, les dessins de gracieuses jeunes filles influencés par Füssli et Blake, ou les compositions religieuses réalisées dans les années 1800. Jetant une lumière bienvenue sur l’exceptionnel destin de cette femme des Lumières, l’exposition explore également les liens qu’elle a tissés avec des artistes et des personnalités politiques : Paoli bien sûr, mais aussi Jacques-Louis ­David, Antonio Canova, Joseph Fesch ou ­Thomas ­Jefferson. Cependant, le parcours souligne que c’est en renonçant à sa destinée d’artiste que Maria Cosway parvient à s’accomplir pleinement et à conquérir son indépendance. C’est d’ailleurs pour son rôle d’éducatrice que l’empereur d’Autriche, François Ier, décide d’octroyer à cette femme issue de la bourgeoisie le titre de baronne, peu avant sa mort… Le catalogue qui accompagne l’exposition réunit les contributions de plusieurs éminents spécialistes de la période et fera date pour la connaissance de l’artiste.

« Maria Cosway (1760-1838). L’itinéraire singulier d’une artiste », jusqu’au 30 octobre 2024 au musée maison natale de Pascal Paoli, 20218 Morosaglia. Tél. 04 95 61 04 97.

Catalogue, Snoeck, 191 p., 30 €.