L’art autrement : regards choisis sur l’art.

 

Fernande Olivier de retour à Montmartre

Fernande Olivier (1881-1966), Autoportrait (détail), vers 1935. Huile sur toile, 48 x 38 cm. Association La Belle Fernande. Photo service de presse. © comediart Archives LBF Association
Fernande Olivier (1881-1966), Autoportrait (détail), vers 1935. Huile sur toile, 48 x 38 cm. Association La Belle Fernande. Photo service de presse. © comediart Archives LBF Association

Le musée de Montmartre accueille la première exposition consacrée à Fernande Olivier. Organisée avec le soutien exceptionnel du musée national Picasso-Paris, elle rend hommage à cette figure oubliée des avant-gardes montmartroises.

Dans le cadre de la « Célébration Picasso (1973-2023) » qui commémore le cinquantenaire de sa disparition, le musée de Montmartre met en lumière Fernande Olivier (1881-1966) qui fut la compagne du peintre entre 1904 et 1912. Il retrace la vie de cette femme qui accompagna les débuts du cubisme et tenta de dépasser son rôle de modèle pour s’affirmer comme artiste dans un milieu presque exclusivement masculin.

Pablo Picasso (1881-1968), Buste de femme (étude pour Les Demoiselles d’Avignon), printemps 1907. Huile sur toile, 58,5 x 46,5 cm. Musée national Picasso-Paris. Photo service de presse. © Adrien Didierjean / RMN-Grand Palais / Succession Picasso 2022
Pablo Picasso (1881-1968), Buste de femme (étude pour Les Demoiselles d’Avignon), printemps 1907. Huile sur toile, 58,5 x 46,5 cm. Musée national Picasso-Paris. Photo service de presse. © Adrien Didierjean / RMN-Grand Palais / Succession Picasso 2022

Du modèle à l’artiste

Née Amélie Lang, elle fuit à dix-neuf ans une vie de misère et de violence et prend le pseudonyme de Fernande Olivier pour poser pour le sculpteur Laurent Debienne (Gaston de Labaume) puis pour Boldini, Canals, Cormon, Dethomas, Henner, Mac Ewen, Léon-Sicard, Sunyer… Elle s’installe en 1901 à Montmartre, au 13 rue Ravignan, dans une ancienne manufacture de pianos transformée en ateliers d’artistes, qui doit probablement à Max Jacob son surnom de « Bateau-­Lavoir ». C’est là qu’elle rencontre Pablo Picasso en août 1904 et devient sa compagne. Le jeune peintre ne cesse de la représenter jusqu’à leur rupture en 1912. Au fil des toiles, le visage de Fernande Olivier reflète l’évolution déterminante de son art, de sa « période bleue » à sa « période rose » et jusqu’à la révolution du cubisme. Mais il lui inspire aussi un portrait « tout classique […] dans un genre si opposé à ses recherches nouvelles […] qu’il ne montra jamais à personne », comme l’écrit la jeune femme. La « Belle Fernande » continue aussi à poser pour d’autres peintres, comme Ricard Canals qui la montre en Espagnole dans Une loge à la tauromachie, et Van Dongen qui fait son portrait à de multiples reprises. Mais lorsqu’elle entreprend de se mettre elle-même à peindre et demande à Picasso ses conseils, elle ne reçoit aucun soutien de sa part.

Richard Canal (1876-1931), Une loge à la tauromachie, 1904. Huile sur toile, 157 x 256,5 cm. Photo service de presse. © Hermanos Bertrand Barraquer, Barcelone
Richard Canal (1876-1931), Une loge à la tauromachie, 1904. Huile sur toile, 157 x 256,5 cm. Photo service de presse. © Hermanos Bertrand Barraquer, Barcelone

Picasso et ses amis

Elle se tourne alors vers l’écriture et relate les souvenirs de sa jeunesse à Montmartre au fil d’articles publiés dans le quotidien Le Soir. Elle fait paraître en 1933 un ouvrage intitulé Picasso et ses amis que le peintre estime être « le tableau le plus authentique de cette époque ». Ce précieux témoignage de la vie au Bateau-Lavoir, servi par un véritable talent d’écriture, donne à voir la vie de bohème menée par Apollinaire, Braque, Derain, Matisse, Max Jacob, Van Dongen ou encore le Douanier Rousseau… Elle présente aussi les marchands, Vollard et Kahnweiler, les mécènes comme Gertrude Stein, et surtout les femmes qui cherchent à s’émanciper de leur rôle de compagne et de muse, Marcelle Braque, Alice Derain, Guus van Dongen, et bien sûr Marie ­Laurencin et Suzanne Valadon. Mais Picasso intervient lorsque Fernande Olivier, en grande difficulté financière, songe à publier ses Souvenirs intimes. Édités à titre posthume en 1988, ils livrent un récit bouleversant sur la difficile condition féminine de son temps.

Fernande Olivier, Picasso et ses amis (couverture), édition originale, 1933. Édition Stock. Paris, musée de Montmartre, collection le Vieux Montmartre. Photo service de presse. © DR
Fernande Olivier (1881-1966), Picasso et ses amis (couverture), édition originale, 1933. Édition Stock. Paris, musée de Montmartre, collection le Vieux Montmartre. Photo service de presse. © DR

Mathilde Dillmann


« Fernande Olivier et Pablo Picasso, dans l’intimité du Bateau-Lavoir »
Jusqu’au 19 février 2023 au musée de Montmartre – Jardins Renoir
12 rue Cortot, 75018 Paris
Tél. 01 49 25 89 39
www.museedemontmartre.fr

Catalogue, musée de Montmartre / In Fine éditions, 168 p., 29 €.

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