Le Cabinet des livres du château de Chantilly présente une cinquantaine d’ouvrages remarquables, manuscrits et imprimés, composés entre le XIIe et le XIXe siècle. Leur point commun ? Rareté, qualité esthétique et présence, dans les illustrations, d’arbres et de forêts dont les fonctions symboliques peuvent être religieuses, politiques, didactiques…
Le titre de l’exposition « In foliis folia » (dans les feuilles des livres, les feuilles des arbres) fait référence à la proximité du livre et de l’arbre : liber en latin signifie à la fois le livre et l’écorce, le mot codex – livre en cahiers par opposition au volumen, rouleau – se réfère au bois du tronc, ce que montrent bien les ais de chêne épais constituant les plats d’un psautier du XIIe siècle au début du parcours. La feuille, d’abord de parchemin puis de papier, vient de folium qui désigne la feuille végétale.
Arbres bibliques et mythologiques
« L’exposition présente des arbres bibliques ou mythologiques, des arbres éclairant des discours savants, rythmant des recueils de poésie ou des romans initiatiques, sans oublier les livres d’apparat montrant les forêts des princes. L’illustration s’étale sur les pleines pages, s’intègre aux colonnes de texte ou, au Moyen Âge, se glisse dans les lettrines ou les marges », précise Marie-Pierre Dion, conservatrice générale des bibliothèques et commissaire de l’exposition. Les thèmes de l’arbre de la Création, au troisième jour de la Genèse, et l’arbre de la connaissance se retrouvent dans de nombreuses enluminures. Puis se développe progressivement une iconographie qui différencie les essences : le buisson ardent du magnifique psautier de la reine Ingeburge, seconde épouse de Philippe Auguste, en est une référence dès le XIIIe siècle. 37 espèces d’arbres sont citées par Guillaume de Lorris dans le Roman de la Rose.Au siècle suivant, le cycle des saisons dans les livres d’heures fournit l’occasion aux enlumineurs de restituer plus fidèlement la réalité de la nature, notamment nourricière. Dans les livres de poésie, le verger ou le jardin sont les lieux de la rencontre amoureuse, alors que la forêt est un espace menaçant dans les romans de chevalerie. Admirons également, parmi les grands classiques de la Renaissance, le célèbre Songe de Poliphile, ou, pour le XVIIe, une édition originale des Fables de La Fontaine.
700 ans d’histoire du livre occidental
La notion d’arborescence génère des représentations du savoir – généalogique, historique, botanique…– comme une manière de classer. Mentionnons aussi Ovide, que le duc d’Aumale appréciait particulièrement, notamment les Métamorphoses, où Daphné et Myrrha se transforment en arbres ; ou encore Dante illustré par Gustave Doré en 1861, qui imagine une forêt habitée par le surnaturel. Une belle exposition permettant de parcourir 700 ans d’histoire du livre occidental.
Marie Akar
« In foliis folia, arbres et forêts du Cabinet des livres »
Jusqu’au 30 septembre 2024 au château de Chantilly
60500 Chantilly
Tél. 03 44 27 31 80
www.chateaudechantilly.fr