
Si le rideau est désormais tombé sur la belle exposition « L’Amour en scène ! François Boucher, du théâtre à l’opéra » que déployait le musée des Beaux-Arts de Tours, certaines de ses œuvres semblent bien décidées à jouer les prolongations. La Banque de France a en effet accepté le dépôt pour au moins six mois de deux ravissants tableaux de l’artiste, désormais présentés aux côtés de leurs pendants tourangeaux ; ils font partie d’un ensemble de quatre toiles, vraisemblablement commandées par Madame de Pompadour, qui se retrouve donc réuni pour la première fois depuis le XVIIIe siècle.
Peintes entre 1755 et 1756, les quatre toiles de Boucher s’inspirent de la pastorale dramatique Aminte, écrite en 1573 par l’illustre poète Le Tasse (1544-1595). Très populaire en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, son œuvre a fait l’objet d’une attention particulière de la part des artistes qui l’illustrent abondamment, à l’instar de Daniel Rabel (1578-1637) et de Charles Nicolas Cochin (1715-1790).
De l’opéra à la toile
Lorsque François Boucher (1703-1770) en livre à son tour une interprétation, il s’accorde quelques libertés vis-à-vis de l’œuvre originale, reprenant notamment des éléments du roman Silvie de Claude-Henri Watelet. Déployant une remarquable intelligence narrative, son adaptation picturale séduit par sa dimension érotique marquée. Très certainement commandé par Madame de Pompadour en souvenir des représentations versaillaises qu’elle donna dans le rôle de Sylvie, personnage principal éponyme de l’opéra de Pierre Laujon, cet ensemble devait probablement orner les dessus-de-porte du château de Crécy, acquis par la favorite en 1746.

Un historique mouvementé
Cédées en 1757 lors de la vente du château, les quatre toiles rejoignent les collections du duc de Penthièvre. Lorsqu’il se sépare de Crécy en 1775, l’ensemble gagne vraisemblablement les murs de l’hôtel de Toulouse. En 1779, le prince prête l’ensemble à la manufacture des Gobelins afin de servir à la réalisation des cartons pour la Tenture des Métamorphoses, achevée en 1783. Les œuvres sont peut être séparées dès l’année suivante : Sylvie fuyant le loup qu’elle a blessé et Aminte revenant à la vie dans les bras de Sylvie sont inventoriés au château de Châteauneuf-sur-Loire, avant de gagner Chanteloup, tandis que Sylvie guérit Philis de la piqûre d’une abeille et Sylvie délivrée par Aminte demeurent à Paris, signalés en 1787 dans les appartements de la princesse de Lamballe, belle-fille du duc. Saisi en 1793 avec ses collections, l’hôtel de Toulouse devient en 1808 la propriété de la Banque de France. Les pendants demeurés au château de Chanteloup sont transférés au musée de Tours en 1796. En 2020, les deux tableaux de la Banque de France ont retrouvé leur éclat à la suite d’une importante restauration conduite par Isabelle Chochod et Jean-Pascal Viala. Souhaitons désormais que cet ensemble gracieux demeure réuni à Tours au-delà de la date prévue du 23 août, à la faveur d’un dépôt à long terme de la Banque de France.


Simon Poirier