
Cet été, le peintre, illustrateur, céramiste et décorateur Mathurin Méheut (1882-1958) est à l’honneur en Bretagne ! Au cœur de Lamballe, sa ville natale, le musée qui lui est entièrement dédié vient de rouvrir grand ses portes, entièrement métamorphosé, tandis que le musée de Pont-Aven consacre une belle exposition au versant breton de sa production.
Le musée dédié à l’artiste est inauguré dès 1972 au cœur de sa ville natale, grâce à l’association Les Amis de Mathurin Méheut créée après la mort de l’artiste par son élève et amie Yvonne Jean-Haffen. L’institution qui célèbre ses 50 ans a pris cette année une ampleur nouvelle : elle a quitté la maison du Bourreau – superbe mais fort exiguë – pour investir l’écurie n° 12 du haras national. Désormais, les visiteurs découvrent un parcours permanent retraçant l’ensemble de la carrière de Méheut en 260 dessins, peintures, livres illustrés et céramiques. Il faut dire que l’artiste, inlassable travailleur, s’est montré particulièrement prolifique. Le musée possède plus de 6 000 œuvres, mais comme le souligne sa conservatrice Mylène Alano « l’essentiel est toujours conservé en mains privées et l’on en découvre sans cesse sur le marché de l’art ». Le parcours explore trois grands thèmes : la passion de l’artiste pour la nature, son approche ethnographique du monde, et enfin son rapport à la Bretagne et à « l’ailleurs ». La visite s’achève autour des deux nouveaux joyaux du musée déposés par le Mobilier national : l’immense tapisserie La Mer tissée à la manufacture des Gobelins entre 1941 et 1946, et son carton restauré pour l’occasion, une vraie découverte pour le public ! Cette grandiose allégorie de la vie marine représente des hommes et des femmes travaillant sur la grève, devant les falaises d’Étretat.

Jusqu’au 8 janvier prochain enfin, une passionnante exposition est consacrée à un pan méconnu et pourtant fondamental de l’activité de Méheut, à savoir ses décors pour les paquebots qui n’avaient encore fait l’objet d’aucune étude. Il faut dire qu’il ne reste souvent que des traces écrites, des études et des photographies pour rendre compte de la centaine de grands décors aux sujets variés réalisés par l’artiste.

Cap sur la Bretagne
À travers une centaine d’œuvres prêtées par des institutions et des collectionneurs, l’exposition du musée de Pont-Aven met brillamment en lumière le travail que Méheut a réalisé en Bretagne. S’il s’est fixé à Paris dès l’âge de 20 ans et a fait construire sa maison secondaire à Cassis, en Provence, l’artiste n’en est pas moins resté profondément attaché à sa région natale qui demeurera sa « matière première » privilégiée. De Guérande à l’île de Batz, du pays bigouden à la pointe du Raz, il arpente la Bretagne à l’occasion de séjours brefs mais réguliers. Le parcours thématique souligne combien Méheut, loin de tomber dans la banalité d’une peinture traditionaliste, parvient à saisir dans toute sa vérité la diversité naturelle et culturelle de la Bretagne, s’intéressant aussi bien à la faune marine qu’aux travaux de la terre, aux modes vestimentaires et aux rassemblements populaires. Il vient en outre souvent se « documenter » en terre bretonne pour des projets d’illustration.

Un électron libre
Méheut a réalisé des milliers de dessins dans les ports de Bretagne, les temples japonais, les forêts des Vosges ou les villages de Provence. Dans ses croquis comme dans ses œuvres plus abouties, cet artiste formé aux Beaux-Arts de Rennes puis à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris, recherche l’efficacité du témoignage pour saisir l’essence des choses et des êtres. Dessinateur avant tout, il affirme d’ailleurs : « je ne suis pas un maître, ni même un peintre, je fais du document ». Mais ne nous y trompons pas, si Méheut évolue en marge des principaux courants artistiques et ne s’adonne pas à la « grande peinture », il jouit de son vivant d’une reconnaissance internationale et d’une solide position. Son intense travail de décorateur, ses postes d’enseignant et ses nombreux projets d’illustration d’ouvrages lui permettent de faire vivre sa famille dans une certaine aisance.
Les vieux métiers bretons
L’exposition de Pont-Aven s’attache à suivre l’artiste sur les foires, dans les villages ou sur la route des pardons. Elle nous entraîne aussi dans les ateliers des artisans, dans les champs et sur les grèves, à la découverte d’hommes et de femmes au travail. En avril 1921, le musée des Arts décoratifs consacre à Méheut une deuxième exposition décisive (la première eut lieu en 1913). Il dévoile à cette occasion ses premiers essais de céramique tout juste sortis des fours de la faïencerie Henriot de Quimper, ses croquis rapportés du Japon et des tranchées, ainsi que 130 dessins, gravures et peintures qui confirment son intérêt pour les travaux de la terre et de la mer en Bretagne. Sardiniers, goémoniers et paludiers se retrouveront en 1944 dans l’ouvrage Vieux métiers bretons de Florian Le Roy, aux côtés des paysans, potiers, sabotiers et autres artisans. Sensible aux mutations profondes qui menacent la société traditionnelle, ce fils d’un menuisier et d’une aubergiste développe une démarche proche de l’ethnographie pour saisir les gestes ancestraux menacés de disparition.
Myriam Escard-Bugat
Musée Mathurin Méheut
Haras national
15 place du Champ-de-Foire, 22400 Lamballe-Armor
Tél. 02 96 31 19 99
www.musee-meheut.fr
À lire : L’Objet d’Art hors-série n°161, 64 p., 10 €.
À commander sur www.faton.fr
« Mathurin Méheut, arpenteur de la Bretagne »
Jusqu’au 31 décembre 2022 au musée de Pont-Aven
Place Julia, 29930 Pont-Aven
Tél. 02 98 06 14 43
www.museepontaven.fr
À lire : catalogue de l’exposition, éditions Faton, 208 p., 29 €.
À commander sur www.faton.fr