![Félix Vallotton (1865-1925), Les Petites Filles, 1893. Gravure sur bois sur papier Japon, 14,2 x 20,3 cm. Vevey, musée Jenisch Vevey – Cabinet cantonal des estampes, Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex, Collection Gérard de Palézieux. Photo service de presse. © Olivier Christinat, Lausanne](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2023/08/Visuel-n°1.felix_vallotton_les_petites_filles.jpg)
Plus d’une centaine d’œuvres issues des collections de la Fondation suisse William Cuendet & Atelier de Saint-Prex, de Dürer à la création contemporaine, ont traversé les Alpes pour gagner le temps d’une exposition les cimaises du musée Marmottan Monet.
Védutisme italien, caprices de Goya, expériences nabis et impressionnistes… Du burin à l’héliogravure, didactique sans être verbeux, l’accrochage révèle l’ampleur et la complexité de l’art gravé. Taille douce creusant les sillons à encrer, taille d’épargne révélant les reliefs, lithographie, cliché-verre… De multiples techniques sont ici présentées et expliquées aux amateurs, éclairées par un dialogue fructueux entre œuvres anciennes et contemporaines.
![Francisco de Goya (1746-1828), Otras leyes por el pueblo (Autres lois pour le peuple), vers 1824. Planche additionnelle de Los Proverbios (Les Proverbes) publiée dans L’Art, 1877. Eau-forte, aquatinte et pointe sèche sur papier vergé, 24,5 x 35,6 cm. Vevey, musée Jenisch-Vevey – Cabinet cantonal des estampes, Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex. Photo service de presse. © Olivier Christinat, Lausanne](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2023/08/Visuel-n°2.francisco_goya_otras_leyes_por_el_pueblo-edited.jpg)
Dürer et Rembrandt, maîtres graveurs
Si l’exposition ne se veut pas chronologique, elle s’ouvre néanmoins sur des chefs-d’œuvre de Dürer (1471-1526) et Rembrandt (1606-1669), comme La Mélancolie ou La Pièce aux cent florins, qui fascinent par la diversité des procédés utilisés et la maîtrise technique dont ils font preuve : burin ou xylogravures (gravures sur bois) révolutionnaires d’une énergique clarté chez Dürer, à l’instar, plus tard, de l’art de Vallotton (1865-1925) ; assemblage de techniques et expérimentation du côté de Rembrandt qui, des siècles plus tard, fascinera Degas (1834-1917), autre grand alchimiste de l’estampe actuellement célébré à la Bibliothèque nationale de France.
![Rembrandt Harmensz van Rijn, dit Rembrandt (1606-1669), La Pièce aux cent florins, vers 1649. Eau-forte, pointe sèche et burin sur papier vergé, 28,4 x 39,8 cm. Vevey, musée Jenisch Vevey — Cabinet cantonal des estampes, Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex, don inaliénable de la famille Cuendet. Photo service de presse. © Olivier Christinat, Lausanne](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2023/08/Visuel-n°3.rembrandt_la_piece_aux_cent_florins_credit_olivier_christinat_lausanne.jpg)
Le burin classique
Aux effets multiples de Rembrandt semble s’opposer la clarté du classicisme français au burin incisif. Il faut ici admirer les myriades de boucles gravées par Robert Nanteuil (1623-1678) dans ses portraits royaux — que l’on croit retrouver dans la lithographie abstraite d’Edmond Quinche (né en 1942) — ou encore la spectaculaire spirale tracée par Claude Mellan (1598-1688), que la variation de l’épaisseur de l’incision (taille claire) transforme en « vera icona ».
![Claude Mellan (1598-1688), La Saint Face, 1664. Burin sur papier vergé, 43 x 31,2 cm. Vevey, musée Jenisch Vevey – Cabinet cantonal des estampes, Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex, donation Isabelle et Jacques Treyvaud. Phot service de presse. © Olivier Christinat, Lausanne](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2023/08/Visuel-n°4.claude_mellan_la_sainte_face-scaled.jpg)
Eau-forte, vernis mou et cliché-verre
Graver une vue, un paysage, un caprice, des prisons imaginaires… Canaletto (1697-1768) et Piranèse (1720-1778) utilisent l’eau-forte, technique permettant de créer des motifs en faisant mordre l’acide là où la pointe a gratté le vernis protecteur préalablement appliqué sur la plaque. Utilisée depuis le XVIe siècle, cette technique avait déjà séduit en France le peintre Le Lorrain (1600-1682), qui forgea sa gloire avec ses paysages classiques. Nos contemporains manient également l’acide, à l’image de Gérard de Palézieux (1919-2012) qui produit Arbres et treille à San Vincenzo (1979) à l’aide d’un vernis mou, comme Pissarro (1830-1903) avant lui. Corot (1796-1875) innove avec le cliché-verre, livrant des paysages gravés sur le vif, témoins d’une liberté de mouvement accrue et de nouvelles possibilités formelles.
![Giovanni Antonio Canal, dit Canaletto (1697-1768), Caprice, Portique à la lanterne, 1742, planche de « Vedute, altre prese dai luoghi, altre ideate », 1744. Eau forte sur papier vergé, 30,2 x 43,3 cm. Vernet, musée Jenisch Vevey – Cabinet cantonal des estampes, Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex, Collection Gérard de Palézieux. Photo service de presse. © Olivier Christinat, Lausanne](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2023/08/Visuel-n°5.canaletto_portique_a_la_lanterne.jpg)
De la gravure à la photographie
Manière noire au XVIIe, aquatinte au XVIIIe, cliché-verre et lithographie au XIXe siècle… La multiplication des techniques permet aux artistes d’élargir leur pratique de la gravure. Dans le sillage de Goya, Manet s’essaie à l’eau-forte pour décliner son saisissant Homme mort, tout en explorant en parallèle l’art de la lithographie. Ce procédé a déjà séduit Géricault, puis Vuillard, Fantin-Latour ou encore Redon, qui en tirent des œuvres variées : scènes privées, portraits, rêves… Quant à l’héliogravure, véritable gravure par la lumière particulièrement prisée pour sa précision et ses grandes qualités esthétiques, elle révèle la porosité entre gravure et photographie.
![Pierre Bonnard (1867-1947), La Petite Blanchisseuse, 1896. Lithographie au lavis et au crayon sur papier de Chine, 19 x 29,4 cm. Vevey, musée Jenisch Vevey – Cabinet cantonal des estampes, Fondation William Cuendet & Atelier de Saint-Prex, Collection Gérard de Palézieux. Photo service de presse. © Olivier Christinat, Lausanne](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2023/08/Visuel-n°6.pierre_bonnard_la_petite_blanchisseuse-edited-1-768x1024.jpg)
Gaspard Douin Cavard
« Graver la lumière. L’estampe en 100 chefs-d’œuvre, de Dürer à Picasso »
Jusqu’au 17 septembre 2023 au musée Marmottan Monet
2 rue Louis Boilly, 75016 Paris
Tél. 01 44 96 50 33
www.marmottan.fr
Catalogue, 5 Continents Éditions, 208 p., 35 €.