Le musée d’Orsay vient d’annoncer l’acquisition, grâce au soutien de Lavazza France, de La pétroleuse vaincue, bronze italien fondu à la fin du XIXe siècle par le sculpteur Giacomo Ginotti (1844-1897).
Le nom de « pétroleuse » évoquera vraisemblablement aux plus cinéphiles les personnages qu’incarnaient sur les écrans en 1971 les sublimes Brigitte Bardot et Claudia Cardinale dans un célèbre film de Christian-Jaque. D’autres considéreront peut-être le premier sens du terme, désignant une femme du peuple accusée d’avoir pris part à la Commune en enflammant, à l’aide de pétrole, nombre de bâtiments parisiens. Immortalisée dans le bronze par le sculpteur italien Giacomo Ginotti, l’une d’entre elles fait justement son entrée au musée d’Orsay grâce au mécénat de Lavazza France, acteur majeur du monde du café. Une acquisition osée, lorsque l’on se souvient que le palais d’Orsay, prédécesseur de la gare qui, au XIXe siècle, accueillit le Conseil d’État et la Cour des Comptes, disparut justement durant la Commune, enflammé par des litres de pétrole !
Un hommage à Carpeaux
Le corps ligoté et dénudé de cette rebelle défaite n’est pas sans évoquer la fameuse Négresse captive ou Pourquoi naître esclave ? de Jean-Baptiste Carpeaux, œuvre initialement conçue pour figurer l’Afrique sur la fontaine des Quatre Parties du Monde commandée à l’artiste par le baron Haussmann en 1867. Présentée en 1881 par Ginotti à l’Exposition nationale des Beaux-Arts de Milan, la première version de sa Pétroleuse, ciselée dans le marbre, rencontre un vif succès. Il la fera ensuite couler en bronze en 1887 par la fonderie Mazzola de Turin ; on ne connaît à ce jour qu’un unique exemplaire de cette fonte. Conservé dans une collection particulière italienne, ce dernier fut admiré à l’automne 2018 à la TEFAF New York, puis en 2021 à Fine Arts Paris, sur le stand de la galerie florentine Frascione Arte, avant de gagner aujourd’hui le musée d’Orsay. Le public pourra l’y découvrir dans les prochains jours au sein de la salle consacrée à la guerre de 1870 et à la Commune.
Giacomo Ginotti : entre tension et sensualité
Diffusé en Europe de son vivant, l’art de Giacomo Ginotti est aujourd’hui largement méconnu en France. Après avoir étudié l’ornement, la sculpture et le dessin à l’Accademia Albertina de Turin, l’artiste débute sa carrière à Rome en 1873. Cinq ans plus tard, il triomphe avec son Esclave enchaînée qui remporte la médaille d’or à l’Exposition universelle de Paris avant d’être acquise par le roi Victor-Emmanuel II, séduit par son naturalisme. On doit également à Ginotti en 1886 la spectaculaire fontaine du Palais Martini et Rossi de Turin, avant qu’il ne devienne, l’année suivante, membre de l’Accademia Albertina. Son art évoquera à certains celui du sculpteur napolitain Vincenzo Gemito (1852-1929), que l’actuel président du musée d’Orsay, Christophe Leribault, avait honoré fin 2019 au Petit Palais.
Olivier Paze-Mazzi