
Dans le cadre de la saison France-Portugal, le Musée national d’art ancien de Lisbonne prête exceptionnellement au Louvre de précieux tableaux des XVe et XVIe siècles qui témoignent du raffinement de la Renaissance portugaise.
Nuno Gonçalves, Jorge Afonso, Gregório Lopes, Cristóvão de Figueiredo… Les grands noms de la peinture portugaise de la Renaissance sont réunis pour une exposition inédite au Louvre. Treize panneaux de bois peints à l’huile montrent le développement de l’art pictural au sein de la cour du roi Manuel Ier, puis de son fils Jean III. Ces souverains firent édifier de nombreux palais, églises et monastères (dont le plus célèbre est celui des Hiéronymites à Belém), pour lesquels ils commandèrent de grands décors et d’imposants retables.
La Renaissance : un âge d’or pour le Portugal
Lisbonne était alors une des premières places commerciales mondiales. L’exploration de nouvelles routes maritimes vers l’Afrique, l’Asie et l’Amérique, l’instauration de comptoirs commerciaux et la conquête de nouveaux territoires firent du Portugal une puissance majeure à la Renaissance. C’est par le port de Lisbonne qu’arrivaient en Europe l’or, les pierres précieuses et des produits de luxe comme le sucre et les épices. La ville devint un centre cosmopolite où affluaient des marchands, mais aussi des humanistes et des artistes venus de toute l’Europe, et en particulier de Bruges et d’Anvers. Des peintres d’origine flamande comme Frei Carlos et Francisco Henriques s’intégrèrent aux dynasties d’artistes lisboètes, parfois même par des liens matrimoniaux, et leur transmirent les techniques et les nouveautés picturales du Nord de l’Europe. Le Bon Pasteur de Frei Carlos et La Vierge à l’Enfant avec les anges de Gregório Lopes reprennent ainsi des compositions de l’art flamand. Une synthèse originale s’élabora progressivement entre la culture portugaise et les apports de la Renaissance flamande et italienne.

Une peinture largement absente des collections françaises
C’est avec le « père fondateur de la peinture portugaise », Nuno Gonçalves (actif entre 1450 et 1492), que commence véritablement la Renaissance artistique à Lisbonne. Son Saint Vincent attaché à la colonne montre la maîtrise de la perspective et du traitement de l’anatomie, soulignée par la lumière. À sa suite, Jorge Afonso (actif entre 1504 et 1540) fut la figure principale de ce grand renouveau artistique. Sa charge d’intendant à la cour lui permettait de superviser le travail des peintres qui répondaient aux commandes royales. Son Adoration des bergers constitue la première représentation de ce sujet dans l’art portugais. Elle a sans doute été influencée par une pièce de théâtre de Gil Vicente qui mettait en scène des paysans. Ces œuvres religieuses reflètent souvent la vie menée dans les palais royaux. Dans le cycle de la vie de sainte Ursule de Cristóvão de Figueiredo, les vêtements et les bijoux des personnages et jusqu’aux caravelles évoquent l’âge d’or de Lisbonne. Particulièrement rare dans les collections françaises, cette précieuse peinture de la Renaissance portugaise, intimement liée à la société de cour et à la culture humaniste, constitue un moment majeur de l’histoire de la peinture européenne.

Mathilde Dillmann
« L’âge d’or de la Renaissance portugaise »
Jusqu’au 10 octobre 2022 au musée du Louvre, aile Richelieu
Rue de Rivoli, 75001 Paris
Tél. 01 40 20 53 17
www.louvre.fr
Catalogue, coédition musée du Louvre / In Fine éditions, 128 p., 29 €.