L’art autrement : regards choisis sur l’art.

 

La sculpture hyperréaliste à l’assaut du musée Maillol

Dans la section « Jeux de taille », l’exposition explore notamment l’usage que certains artistes, à l’image de Ron Mueck ou Zharko Basheski, firent des formats hors-norme. © Thomas Faverjon
Dans la section « Jeux de taille », l’exposition explore notamment l’usage que certains artistes, à l’image de Ron Mueck ou Zharko Basheski, firent des formats hors-norme. © Thomas Faverjon

La troublante exposition de rentrée du musée Maillol confronte, grâce à une quarantaine d’œuvres, le regard du visiteur aux différentes facettes de la sculpture hyperréaliste.

Né aux États-Unis dans les années 1960, le concept de « sculpture hyperréaliste » entend, à l’image du pop art et du photoréalisme, s’opposer au triomphe de l’abstraction. Usant de techniques traditionnelles, comme le moulage, le modelage, ou encore l’application de peinture polychrome sur la sculpture, les premiers artistes hyperréalistes, à l’image de Duane Hanson, John DeAndrea et George Segal, souhaitent renouer avec une imitation de la réalité, pourtant considérée comme dépassée, en recherchant l’illusion parfaite. Leurs successeurs suivront leurs traces et mettront en œuvre de nouvelles solutions formelles, s’appuyant sur les dernières innovations techniques. Surprenantes ou amusantes, étranges ou angoissantes, ces créations interpellent, nous tendant un miroir réfléchissant notre époque.

Warhol intime

Spécialisé dans le portrait sculpté d’artistes fameux, à l’image de Frida Kahlo, Salvador Dalí, ou encore Andy Warhol, l’artiste hyperréaliste japonais Kazu Hiro propose au spectateur l’expérience d’une troublante intimité avec la célébrité. Afin de rendre tangibles les émotions des personnalités immortalisées, il travaille en usant de couches successives de silicone, sculptées de l’intérieur vers l’extérieur. Artiste prothésiste de renom, Kazu Hiro a déjà vu son travail pour le cinéma récompensé à de multiples reprises ; en 2018, il remporte ainsi l’oscar des meilleurs maquillages et coiffures pour sa spectaculaire métamorphose de l’acteur Gary Oldman en Winston Churchill dans Les Heures sombres.

Kazy Hiro (1969-), Andy Warhol, 2013. Silicone durci au platine, cheveux, résine, plaque en chrome, 213 x 91 x 91 cm. Collection de l’artiste. © OPM
Kazy Hiro (1969-), Andy Warhol, 2013. Silicone durci au platine, cheveux, résine, plaque en chrome, 213 x 91 x 91 cm. Collection de l’artiste. © OPM

Âge tendre/âge mûr

L’usage de silicone, de fibre de verre et de cheveux permet à l’artiste australien Sam Jinks de conférer à ses sculptures une perfection technique inégalée. Comptant parmi les icônes de la sculpture hyperréaliste, sa Woman and Child (2010) met en scène une vieille dame étreignant tendrement un nouveau-né. L’artiste donne-t-il ici à voir une seule et même personne, figurée au premier et au dernier stade de l’existence ?

Sam Jinks (1973-), Woman and Child, 2010. Supports divers, 145 x 40 x 40 cm, édition de 3. Collection de l’artiste. © OPM
Sam Jinks (1973-), Woman and Child, 2010. Supports divers, 145 x 40 x 40 cm, édition de 3. Collection de l’artiste. © OPM

Femme-objet

L’art du Californien Mel Ramos fait se rencontrer la trivialité de l’univers publicitaire et l’érotisme du monde des pin-up. En faisant jaillir d’un fruit une jeune femme dénudée, sa Chiquita Banana (2007) livre une réflexion ironique sur les concepts de « contenu » et d’« emballage », interrogeant les attentes du spectateur/consommateur.

Mel Ramos (1935-2018), Chiquita Banana, 2007. Résine synthétique polychrome, 170 x 110 x 110 cm, édition 1/6. Vienne, galerie Ernst Hilger. © OPM
Mel Ramos (1935-2018), Chiquita Banana, 2007. Résine synthétique polychrome, 170 x 110 x 110 cm, édition 1/6. Vienne, galerie Ernst Hilger. © OPM

Face à Maillol

Les collections permanentes du musée accueillent une sélection de pièces hyperréalistes qui viennent initier un dialogue avec l’œuvre du maître, confrontant leurs approches de la représentation du corps. Se joignant à Flore, L’Été, Le Printemps et Pomone, l’Ariel II de John DeAndrea, l’un des pionniers de la sculpture hyperréaliste, affiche ainsi une nudité décomplexée ; son regard soucieux invite à dépasser la simple contemplation d’un corps impudique pour s’interroger sur les préoccupations du modèle.

L'Ariel II de John DeAndrea (1941-) au milieu des sculptures d'Aristide Maillol. © Thomas Faverjon
L’Ariel II de John DeAndrea (1941-) au milieu des sculptures d’Aristide Maillol. © Thomas Faverjon

Olivier Paze-Mazzi


« Hyperréalisme. Ceci n’est pas un corps »
Jusqu’au 5 mars 2023 au musée Maillol
61 rue de Grenelle, 75007 Paris

www.museemaillol.com

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