
Retrouvant ses dates habituelles à l’orée du printemps, la prestigieuse foire néerlandaise dévoile à nouveau ses trésors aux amateurs du monde entier.
La TEFAF réunit cette année 268 exposants, parmi lesquels on compte 13 nouveaux venus : l’Américaine Rosenberg & Co spécialisée dans l’art moderne et contemporain, Patrick & Ondine Mestdagh qui mettent à l’honneur à Bruxelles les arts extra-européens, la galerie romaine Berardi consacrée aux maîtres européens du XIXe au début du XXe siècle… La section TEFAF Showcase, créée en 2008 pour propulser de jeunes galeries internationales, prend de l’ampleur : une dizaine de stands accueilleront les visiteurs à l’étage du MECC. La France maintient une présence élevée avec 56 galeries : Univers du Bronze et Templon font pour la première fois le voyage à Maastricht, tandis que Nicolas Bourriaud et Philippe Mendès entrent de plain-pied dans la foire après avoir participé l’an passé à la section Showcase. L’Objet d’Art vous propose sa sélection de merveilles offertes à l’admiration des collectionneurs.
L’oliphant Rothschild
La prestigieuse Kunstkammer Georg Laue de Munich offre une nouvelle fois à la délectation du public de Maastricht une véritable chambre aux trésors. Très admiré, son stand abrite en son cœur un petit cabinet dissimulant une merveille d’ivoire et d’argent doré : l’oliphant Rothschild. Tirant son nom de sa présence dans les collections parisiennes de la baronne Thérèse de Rothschild (1847-1931), cet exceptionnel objet d’art façonné au milieu du XVIIe siècle est l’œuvre de deux Strasbourgeois : le maître orfèvre Hans Jacob Erhart et le sculpteur Johann Michael Egner. Il pourrait faire le bonheur d’un chasseur : il est en effet possible de désolidariser l’oliphant de son socle afin d’en user comme d’un cor de chasse !

Des Hollandais en Chine
Conçu à la fin du XVIIe siècle dans le sud de la Chine et destiné au marché intérieur, ce paravent laqué fait partie d’un groupe de huit arborant un décor mettant en scène des Hollandais. Destiné à être admiré de loin, cet ouvrage finement sculpté et orné composé de douze feuilles était vraisemblablement destiné à un haut fonctionnaire chinois. Particulièrement décoratif, ce type de paravent en laque dite « de Coromandel » était destiné à progressivement remplacer les paravents ornés de nacre incrustée, dont la fabrication était plus longue et coûteuse.

Un modello de Soldani Benzi
Mettant en scène la mort de Joseph, ce séduisant modello en terre crue du Florentin Massimiliano Soldani Benzi (1656-1740) a été particulièrement admiré sur le stand de la galerie londonienne Stuart Lochhead Sculpture. Proche des Médicis, le grand sculpteur baroque répond ici à une commande de Joaquín Fernández de Portocarrer (1681-1760), vice-roi de Sicile, passée par l’intermédiaire de son agent sur place, Orazio Sansedoni (1680-1751). Le bronze qu’en livrera l’artiste ne prendra cependant jamais la route de Palerme ; il est aujourd’hui conservé au musée du Bargello de Florence.

De Fouché à Charles de Beistegui
Documenté dans les collections de la Villa du Riond-Bosson, propriété suisse d’Ernestine de Castellane (1788-1850), duchesse d’Otrante et veuve de Joseph Fouché, ce somptueux bureau plat reposant sur huit pieds porte l’estampille de Jean-François Leleu (1729-1807, reçu maître en 1764). La discrète présence de celle de l’ébéniste François Duhamel (1723-1801, reçu maître en 1750) suggère une intervention de sa part en tant que sous-traitant. Ce meuble insigne fait partie au XXe siècle des prestigieuses collections de Charles de Beistegui (1894-1970) au château de Groussay, dispersées en 1999. Un collectionneur américain a jeté son dévolu sur lui chez Steinitz dès le vernissage pour 1,5 million d’euros.

Fastes de la salle du trône de Catherine II
D’abord élève de Raphaël Mengs, Giacomo Quarenghi (1744-1817) délaissa bien vite la peinture au profit de l’architecture. Inspiré par Palladio, il sera appelé en Russie par Catherine II pour laquelle il œuvrera sur différents projets. Présentée par la galerie romaine Carlo Virgilio & Co., cette grande feuille est très vraisemblablement un dessin de présentation exécuté par l’architecte afin de donner à voir le décor envisagé pour l’opulente salle du trône du Palais d’Hiver de Saint-Pétersbourg, dont les travaux s’étaleront de 1785 à 1795.

Lorsque Sèvres imite Wedgwood
Née outre-Atlantique, la porcelaine de Wedgwood est emblématique de l’esthétique néoclassique qui déferle sur l’Europe dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Son vif succès ne manqua pas d’inspirer d’autres manufactures du continent, comme en témoigne cette paire de vases Médicis imaginée par Sèvres en 1798. Outre sa pâte bleue et ses bas-reliefs blancs, la manufacture emprunte également à Wedgwood ses sujets mythologiques, ici le Sacrifice d’Iphigénie et Bacchus et Ariane. Comptant parmi les premiers essais de pâte bleue réalisés par Sèvres, ces deux vases furent vraisemblablement livrés à Joseph Jean Lagarde (1755-1839), secrétaire général du Directoire. Prix demandé : 320 000 €.

Un plantigrade musicien
Fils d’un taxidermiste qui lui apprit tout ce qu’il savait de l’anatomie animale, le sculpteur Christophe Fratin (1801-1864) étudia le dessin et la sculpture au sein de l’atelier de Théodore Géricault. Exposant régulièrement au Salon à partir de 1831, il forgea notamment sa notoriété grâce à des sujets équestres, tout en livrant de nombreuses sculptures animalières anthropomorphes de petite taille, mettant notamment à l’honneur des ours et des singes. Figurant un plantigrade alangui s’adonnant au plaisir de la flûte de pan, cette pittoresque terre cuite proposée par Nicolas Bourriaud n’a jamais fait l’objet de traduction en bronze. Prix demandé : 35 000 €.

Deux Hantaï en un
Provenant de la collection du marchand et résistant Daniel Cordier, cette toile de Simon Hantaï (1922-2008) est en réalité double : on peut y admirer d’un côté L’Étude (rouge et noire), une huile sur toile peinte vers 1969, et de l’autre une acrylique sur toile multicolore de 1973 faisant partie de la série des Blancs, qui visait à obtenir par le pliage des zones colorées de plus en plus restreintes. Monogrammée et datée des deux côtés « S.H. 73 », cette œuvre documentant deux périodes distinctes de la carrière de l’artiste sera intégrée au catalogue raisonné que préparent actuellement les Archives Simon Hantaï.
Olivier Paze-Mazzi
36e édition de la TEFAF Maastricht
Jusqu’au 19 mars 2023 au MECC
Forum 100, 6229 GV Maastricht, Pays-Bas
www.tefaf.com