Vendu pour la somme de 3 472 000 euros (frais inclus) lors d’une vente organisée par Artpaugée à Toulouse le 4 février dernier, cet ange expertisé par le cabinet Turquin n’avait jusqu’alors pas révélé le nom de son nouveau propriétaire. C’est sur les cimaises du Louvre Abu Dhabi qu’on le retrouve désormais : il y trône à côté de son pendant, un panneau conservé dans les collections du musée de la péninsule arabique depuis 2009 dont il était séparé depuis près de deux siècles.
Peints dans les environs de 1520 par Bernhard Strigel (1460-1528), les deux pendants auraient appartenu, selon l’historien de l’art Ernst Büchner, à un retable destiné à l’église Notre-Dame de Memmingen. Quatre autres panneaux, représentant des soldats endormis, conservés à l’Alte Pinakothek de Munich et à la York Art Gallery, auraient également fait partie du retable. Inscrites dans le courant du réalisme flamand, ces œuvres font partie des derniers grands ensembles du gothique tardif, à l’image du retable d’Issenheim, réalisé par Matthias Grünewald à la même période.
De Dürer à Strigel
Les deux anges thuriféraires sont attestés dans les collections de l’homme politique François-Louis-Esprit Dubois en 1813. Ils sont alors attribués à Albrecht Dürer. À cette même date, L’ange thuriféraire vêtu d’une robe de pourpre est vendu aux enchères et acquis par l’expert Hippolyte Delaroche. Trois ans plus tard, c’est au tour de L’ange thuriféraire vêtu d’une tunique jaune d’être acquis par Charles-Étienne de Bourgevin Vialart de Saint-Morys, collectionneur d’objets d’art du Moyen Âge et de la Renaissance. Après la mort de ce dernier, sa femme et sa fille, confrontées à des problèmes financiers, sont dans l’obligation de mettre aux enchères une partie de sa collection en 1818. Lors de cette vente, le tableau, séparé de son pendant, est compris comme étant un Ange de l’Annonciation. Il est vendu, sous cet intitulé, à un certain Berthon qui est contraint de s’en séparer en 1845. Il est alors toujours attribué à Albrecht Dürer, et il faudra attendre 1881 et une étude de l’historien de l’art Wilhelm von Bode pour que la paternité du tableau soit rendue à Bernhard Strigel.
Simon Poirier