
Il est depuis son acquisition en 2019 l’un des chefs-d’œuvre du musée des Beaux-Arts de Strasbourg. Confié à Versailles aux bons soins du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), Le Martyre de sainte Catherine de Simon Vouet (1590-1649) a aujourd’hui retrouvé sa splendeur passée à l’issue d’une longue restauration.
Le passé mouvementé de l’œuvre avait autrefois rendu nécessaire sa transposition sur une nouvelle toile ; afin d’assurer sa bonne conservation, une opération complexe de consolidation de l’adhérence des différentes strates de l’œuvre a notamment été conduite. Elle a été rendue possible par le mécénat de la Société des Amis des Arts et des Musées de Strasbourg (SAAMS).
Spolié puis rendu
Ce tableau n’a longtemps été connu que par une gravure de Claude Mellan (1598-1688) datant de 1625. Il a ensuite vraisemblablement fait partie de la collection de l’électeur palatin de Düsseldorf. Alors attribué à Guido Reni (1575-1642), il fut confisqué à une famille parisienne par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale ; il retrouva cependant ses propriétaires à l’issue du conflit.
La date et la signature révélées
Simon Vouet est incontestablement l’un des peintres les plus éminents du XVIIe siècle français et européen. Il effectua un long séjour romain et fut même élu en 1624 à la tête de l’académie de Saint-Luc, privilège qui jamais n’avait été accordé à un étranger. Ce Martyre de sainte Catherine est caractéristique de la période caravagesque de l’artiste, même si Vouet prit quelques libertés par rapport à la manière de Caravage qui peignait directement sur la toile ; le dessin d’un ange pourrait ainsi être préparatoire à l’œuvre. Révélée avec la signature par la réflectographie infrarouge, la date, difficilement lisible, semble indiquer l’année 1622. Le tableau rappelle la grande manière bolonaise de Guido Reni, ce qui explique qu’il lui fut donné un temps, et du Guerchin, notamment dans le coloris du paysage et la somptuosité des étoffes. Simon Vouet a peint de nombreux tableaux figurant sainte Catherine d’Alexandrie : neuf sont aujourd’hui conservés. Cependant, seul celui de Strasbourg donne à voir son martyre.


En majesté chez les caravagesques
Sainte Catherine d’Alexandrie, martyre des premiers siècles, occupe une place importante dans l’iconographie dès le Moyen Âge. Ici, on peut notamment l’identifier grâce à la roue hérissée de pointes métalliques représentée dans l’angle supérieur gauche, attribut qui rappelle son supplice. Dans la partie droite, l’ange descend du ciel afin d’offrir la palme du martyre à la sainte, donnant lieu à un admirable dialogue de regards entre les deux protagonistes. Vouet restitue minutieusement l’effroi et la confiance de la jeune femme. Cette œuvre, l’une des plus importantes de la période romaine de l’artiste, a désormais gagné au musée des Beaux-Arts de Strasbourg la salle des caravagesques, aux côtés de Valentin de Boulogne et de Jusepe de Ribera.
Maylis de Cacqueray