La truelle est à l’archéologue ce que le couteau est au cuisinier, le stylo à l’écrivain, le violon au musicien. Elle est le symbole de celle qui va sur le terrain, de celui qui fouille sans se contenter des sunlights d’Hollywood.
Nul doute que c’est moins glamour qu’un fédora et plus prosaïque qu’un fouet en cuir. D’aucunes lui préfèrent la rasette, d’aucuns le pinceau, ou d’autres encore le godet délicat d’une pelle mécanique. Voire l’outil minutieux du dentiste. Chacun, un jour, en a choisi une qu’il a faite à sa main, comme un écolier sa plume pour dessiner ses pleins et ses déliés. Elle n’est pas suffisante, mais elle est nécessaire, jamais très loin, posée, accrochée, vite attrapée pour vérifier, dégager, sonder. Le temps la travaille, l’use, lui incruste un peu de cette terre qu’elle ôte avec précision, lisse et adoucit le manche en bois où ont été gravées des initiales, une date qui compte, un signe qui rappelle un lieu.
« La truelle d’or »
La truelle est l’objet d’un concours annuel dans le secteur de l’artisanat et du bâtiment. Sous le même nom, « La truelle d’or », les chercheurs des années 1980 en firent une parabole, celle de l’archéologie et de ses fondamentaux. Cette allégorie prenait tout son sens à un moment de construction d’une discipline et des métiers qui la servent. Quarante ans plus tard, la science a considérablement changé et les cadres de son exercice aussi. La truelle, elle, n’a pas pris une ride (un cerne !) sur le terrain et garde son rôle de fidèle complice de l’archéologue dans ses enquêtes sur le passé.
Anne Lehoërff
Professeur des universités, CY Cergy Paris Université