L’art autrement : regards choisis sur l’art.

 

Derniers jours : Füssli, le « peintre de l’étrange » au musée Jacquemart-André

Johann Heinrich Füssli (1741-1825), La Sorcière de la nuit rendant visite aux sorcières de Laponie, 1796. Huile sur toile, 101,6 x 126,4 cm. New York, Metropolitan Museum of Art. Photo service de presse. © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais / image of the MMA
Johann Heinrich Füssli (1741-1825), La Sorcière de la nuit rendant visite aux sorcières de Laponie, 1796. Huile sur toile, 101,6 x 126,4 cm. New York, Metropolitan Museum of Art. Photo service de presse. © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais / image of the MMA

Jusqu’au 23 janvier 2023, le musée Jacquemart-André offre une rétrospective au peintre Johann Heinrich Füssli (1741-1825) qui retrace en une soixantaine d’œuvres le parcours singulier d’un artiste aussi prolifique qu’inclassable.

Curieusement, les premières années de la vie de Johann Füssli ne sont pas consacrées à la peinture. Artiste autodidacte à ses heures perdues, il se destine pourtant d’abord à une carrière de théologien. Un scandale judiciaire l’oblige à quitter sa Suisse natale pour rejoindre la Grande-Bretagne. Après une brève carrière d’écrivain, il fait la rencontre de Sir Joshua Reynolds, qui l’encourage à rejoindre l’Italie afin de perfectionner sa pratique de la peinture. Fin connaisseur des idéaux néoclassiques développés par Winckelmann, Füssli se consacre également à l’étude de Michel-Ange, qui laissera sur son art une empreinte durable. L’érudition acquise lui permettra bientôt de proposer des œuvres issues d’un large répertoire littéraire, de la mythologie grecque aux légendes nordiques, de la Bible aux folklores anglais ou allemand, en passant par l’œuvre de Shakespeare, qu’il revisite abondamment.

Johann Heinrich Füssli (1741-1825), Les trois sorcières, après 1783. Huile sur toile, 75 x 90 cm. Stratford-upon-Avon, The Royal Shakespeare Theatre. Photo service de presse. © Photo : Royal Shakespeare Company Theatre Collection
Johann Heinrich Füssli (1741-1825), Les trois sorcières, après 1783. Huile sur toile, 75 x 90 cm. Stratford-upon-Avon, The Royal Shakespeare Theatre. Photo service de presse. © Photo : Royal Shakespeare Company Theatre Collection

Le peintre des songes

Au côté de ses œuvres issues de sources classiques et contemporaines, Füssli explore également l’univers plus onirique des songes et du cauchemar. C’est justement grâce à la retentissante présentation londonienne de son Cauchemar à la Royal Academy of Arts 1782 que le peintre forgera sa notoriété auprès du public anglais. La composition originale, aujourd’hui conservée au Detroit Institute of Arts, est évoquée dans l’exposition par deux versions postérieures. Cette fascination pour le rêve, Füssli l’exprime à de multiples reprises à travers des peintures d’une grande tension dramatique. Comment ne pas s’émouvoir face à l’expressivité presque romantique d’un Lycidas endormi au clair de lune, plongé dans une rêverie impénétrable ?

Johann Heinrich Füssli (1741-1825), Le Cauchemar, après 1782. Huile sur toile, 31,5 x 23 cm, The Frances Lehman Loeb, Art Center, Vassar College, Pough-keepsie, New York. Photo service de presse. © Photo : Frances Lehman Loeb Art Center, Vassar, Poughkeepsie, NY / Art Resource, NY
Johann Heinrich Füssli (1741-1825), Le Cauchemar, après 1782. Huile sur toile, 31,5 x 23 cm, The Frances Lehman Loeb, Art Center, Vassar College, Pough-keepsie, New York. Photo service de presse. © Photo : Frances Lehman Loeb Art Center, Vassar, Poughkeepsie, NY / Art Resource, NY

Ensorcelé par la chevelure féminine

Dévoré par une passion pour l’étrange et le fantastique, le peintre du surnaturel voue aussi une admiration quasi-fétichiste à la chevelure féminine. Il réalise ainsi de nombreux dessins, parfois très érotiques, de femmes arborant des coiffures extravagantes. Solitaire dans son art, Füssli déconcerte autant qu’il éblouit. Précurseur du romantisme gothique, il condense déjà dans ses œuvres les préoccupations artistiques et intellectuelles de ses successeurs. Rares sont ceux à l’avoir perçu, à l’image d’un William Blake qui prendra sa défense en 1806 : « La seule vérité est que [Fuseli] est en avance de cent ans sur la génération actuelle] ».

Johann Heinrich Füssli (1741-1825), Le rêve de la reine Catherine, 1781. Huile sur toile, 151 x 212,1 cm. Lytham St Annes Art Collection of Fylde Council. Photo service de presse. © Heritage Images / Fine Art Images / akg-images
Johann Heinrich Füssli (1741-1825), Le rêve de la reine Catherine, 1781. Huile sur toile, 151 x 212,1 cm. Lytham St Annes Art Collection of Fylde Council. Photo service de presse. © Heritage Images / Fine Art Images / akg-images

Simon Poirier


« Füssli, entre rêve et fantastique »
Jusqu’au 23 janvier 2023 au musée Jacquemart-André
158, boulevard Haussmann,75008 Paris

Tél. 01 45 62 11 59
www.musee-jacquemart-andre.com

Catalogue, Culturespaces / Fonds Mercator, 208 p., 32 €.

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