« Surréalisme au féminin ? » retrace et interroge la place méconnue des artistes femmes dans l’aventure surréaliste et au-delà. L’exposition révèle, jusqu’au 10 septembre, la vitalité et la transdisciplinarité féconde d’une cinquantaine d’artistes qui toutes ont vu dans la révolution surréaliste une promesse d’affranchissement artistique et de liberté.
Une île anthropomorphique ?
L’art des Celtes stimulait tout particulièrement les artistes surréalistes, comme la Britannique Ithell Colquhoun (1906-1988), versée dans l’occultisme : elle transforme ici l’enceinte mégalithique à moitié immergée de l’îlot breton d’Er Lannic en lemniscate, symbole d’infini. Le titre La Cathédrale engloutie souligne le sacré du lieu et fait écho à la légende d’Ys dont seuls les clochers surgissaient des flots. Cette symbolique de l’île entre terre (ce qui est visible) et mer (ce qui est caché) traduit bien la volonté du surréalisme de révéler l’inconscient ; ainsi sujette à l’anthropomorphisme, l’île devient le coude ou le genou d’un membre en partie immergé.
La réappropriation des mythes
Mimi Parent (1924-2005) rejoint le cercle surréaliste parisien en 1959 et multiplie les supports d’expression, à l’image du tableau objet. Dans cette Léda, elle se réapproprie un topos à travers lequel le regard masculin sublime et soumet le corps féminin ; il rappelle l’attrait du surréalisme pour les rapprochements irrationnels. Debout et de dos, Léda est enveloppée dans les ailes du cygne ; l’union des deux corps s’apparente à une véritable métamorphose.
Vertigineuse méticulosité
La maîtrise dont fait preuve Unica Zürn (1916-1970) pour créer ce voile fantomatique peuplé de silhouettes désincarnées est vertigineuse. On se gardera de n’y voir que le fruit des troubles mentaux qui poussèrent l’artiste à mettre fin à ses jours ou de limiter l’œuvre à la seule interprétation de l’amour (dans l’angle supérieur droit) comme unique rempart à la monstruosité du monde extérieur : l’amateur appréciera plutôt de se perdre dans la richesse inouïe du détail.
Une quiétude inquiétante
Avec ses revues, ses textes et ses tableaux, Jane Graverol (1905-1984) fut une actrice active du mouvement surréaliste belge. Le sein d’une femme est dévoilé par un oiseau dont le plumage noir et bleu tranche sur le rouge de la tenue. Le bec s’approche dangereusement de la chair, troublant la quiétude de la composition, comme le confirme son titre, Le Sacre du printemps, en hommage au ballet de Stravinsky, qui se clôt par le sacrifice d’une vierge au dieu du printemps.
Hommage à Magritte
Les œuvres de Marion Adnams (1898-1995) regorgent d’associations étranges. Comme un clin d’œil à la composition de La Voix des airs de Magritte conservée à Venise dans la collection Peggy Guggenheim, deux mites empereurs semblent se poser sur des bulles de verre bleutées ; une référence au travail des verreries de Murano ? Dans le bas de la composition, un paysage de lande émerge sous d’épais nuages, illustrant la seconde partie du titre – Orage.
Gaspard Douin
« Surréalisme au féminin ? »
Jusqu’au 10 septembre au musée de Montmartre
12 rue Cortot, 75018 Paris
Tél. 01 49 25 89 39
www.museemontmartre.fr
Catalogue, In Fine éditions d’art, 176 p., 29 €.