
Chère lectrice, cher lecteur,
Sic transit gloria mundi… mais pas, au pays des Beatles et des Windsor, la pompe qui les accompagne, ni les éblouissantes collections de la monarchie britannique.
Cette pompe royale, sobre et magnificente, qui a régi l’annonce du décès d’Élizabeth II, la proclamation de Charles III et les funérailles de la Reine, fascine. Qui oserait, à l’heure de la globalisation et des technologies de pointe, annoncer son accession à la royauté avec force trompettes et hérauts en costume d’antan, avoir son ou faire jouer, lors de ses funérailles, la cornemuse qui lui servait de réveille-matin ? Au sein du Royaume-Uni souvent cité pour sa politique communautariste, le communautarisme de la monarchie, lié à la fonction même du monarque et non à la tête couronnée qui l’incarne, est sans complexe ; c’est, malgré ses contempteurs, les raisons de son succès et de sa pérennité. Il s’en est fallu de peu, pourtant, pour que les royals britanniques ne subissent le même sort que leurs alter ego français : le premier des Charles d’outre-Manche (un Stuart), époux d’Henriette de France et père d’Henriette d’Angleterre qui épousa Monsieur, le frère de Louis XIV, finit, en 1649, sur le billot, pour avoir osé tenir tête au Parlement. La suite est connue : la création du Commonwealth d’Angleterre, l’implacable dictature de Cromwell et, après une parenthèse de 11 ans, le rétablissement d’un régime monarchique, avec Charles II, le fils de Charles Ier.
Fabuleuses collections Windsor
Ce dernier est à l’origine des extraordinaires collections royales des Windsor. Mécène et collectionneur passionné, Charles Ier attira à sa cour Van Dyck et acquit d’inestimables trésors. Vendues par le Parlement au lendemain de son exécution pour éponger ses dettes (ainsi un plombier fut-il payé avec un Bassano, un vitrier avec un Corrège et bon nombre de grands musées européens peuvent-ils s’enorgueillir de chefs-d’œuvre lui ayant appartenu), elles furent en partie rachetées par Charles II, puis, du XVIIe siècle à aujourd’hui, sans cesse enrichies et complétées – modestement comme le fit Élizabeth II, ou avec faste, par certains de ses prédécesseurs, à l’instar de la reine Victoria. Outre les bijoux de la Couronne, elles comptent aujourd’hui 7 600 peintures, 3 000 miniatures, 500 000 gravures et dessins, 450 000 photos. On peut les admirer dans les nombreuses résidences royales ouvertes au public ou en ligne, sur le site www.rct.uk. À l’exception des collections dont il a hérité personnellement (tels les Fabergé qu’Élizabeth II reçut de sa mère), le souverain en est le détenteur fiducier – il en a seulement la charge et ne peut les vendre. Une telle continuité pourrait faire pâlir bien des collectionneurs et donner l’air d’un nouveau riche à Son Altesse Royale le prince Hamad bin Abdullah Al Thani, qui disperse chez Sotheby’s ses toutes récentes collections de l’hôtel Lambert. Pour nous autres Français, qui avons connu les ventes révolutionnaires et déplorons le vandalisme inculte de nos édiles d’aujourd’hui, elle est source d’une singulière nostalgie.

Un geste architectural
Que n’eussions-nous eu, en effet, un souverain comme Charles III d’Angleterre ! Fervent défenseur du patrimoine, n’hésitant pas à comparer les ajouts contemporains sur les bâtiments historiques à « un furoncle sur la face d’un ami », il aurait certainement empêché ce geste architectural fort qui caractérise, après six ans de travaux, le nouveau visage de la BnF Richelieu : le remplacement du majestueux escalier de Jean-Louis Pascal (1875-1912), élève de Charles Garnier, par celui, tournoyant, en acier et en aluminium verni, de l’architecte Bruno Gaudin, au mépris de son classement à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1983.
Chère lectrice, cher lecteur, nous sommes en République pour le meilleur et pour le pire : si l’escalier décapité gît désormais dans un hangar désaffecté, vous pouvez admirer en haut de ses marches fantômes le somptueux Cabinet de médailles rouvert, lui aussi fruit de plusieurs siècles d’histoire, et ses extraordinaires collections de camées et objets précieux. L’ Objet d’Art lui consacre son dossier principal : l’éblouissement est au rendez-vous…
Jeanne Faton