L’art autrement : regards choisis sur l’art.

 

Les pérégrines de l’art font escale à Évian

Marie-Antoinette Boullard-Devé (1890-1970), Cortège de quatorze personnages, cinq enfants et deux hommes indochinois, 1931. Pigments polychromes et dorure, huit panneaux sur papier peint entoilé, trois morceaux marouflés et trois non marouflés, 150 x 395 cm. Paris, musée du quai Branly – Jacques Chirac. Photo service de presse. © musée du quai Branly – Jacques Chirac, Dist. RMN-Grand Palais / Pauline Guyon
Marie-Antoinette Boullard-Devé (1890-1970), Cortège de quatorze personnages, cinq enfants et deux hommes indochinois, 1931. Pigments polychromes et dorure, huit panneaux sur papier peint entoilé, trois morceaux marouflés et trois non marouflés, 150 x 395 cm. Paris, musée du qua Branly – Jacques Chirac. Photo service de presse. © musée du quai Branly – Jacques Chirac, Dist. RMN-Grand Palais / Pauline Guyon

Une quarantaine de femmes peintres, sculptrices et photographes de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe, ayant mené leur carrière sur les routes d’Orient, d’Afrique et d’Asie, sortent de la confidentialité grâce à une exposition novatrice.

Intitulé « Les résultats du féminisme », un petit film de 1906, drôle et mordant, débute l’exposition. Dans ce court-métrage tourné par Alice Guy, les hommes cousent, minaudent et promènent la marmaille, tandis que les femmes décident, fument et vont se détendre au café. Une indépendance qui reste alors un doux rêve en France ? En partie seulement. Dans la sphère artistique, grâce à la mobilisation de la peintre d’origine ukrainienne Marie Bashkirtseff et à l’action de la sculptrice Hélène Bertaux, qui organise un salon annuel et milite pour l’accès des femmes à l’École des beaux-arts (effective en 1900), de plus en plus de jeunes filles s’engagent dans une carrière professionnelle. Certaines obtiennent des bourses de voyage et s’aventurent vers des terres lointaines, en Orient, en Afrique et en Asie.

Alix Aymé (1894-1989), Jeune femme à la pomme cannelle, vers 1935. Tempera sur toile, 39,5 x 45 cm. Collection particulière, droits réservés. Photo service de presse. © Mirela Popa
Alix Aymé (1894-1989), Jeune femme à la pomme cannelle, vers 1935. Tempera sur toile, 39,5 x 45 cm. Collection particulière, droits réservés. Photo service de presse. © Mirela Popa

Pionnières

Qui sont ces pionnières ? Leurs noms, tombés dans l’oubli, retrouvent la lumière grâce à Arielle Pélenc, commissaire de l’exposition qui se tient actuellement sur les bords du lac Léman, à Évian. Prenant pour point de départ de ses recherches une série d’œuvres conservées dans les collections publiques, et souvent remisées dans les réserves, Mme Pélenc a poursuivi ses investigations auprès des familles, dénichant des pépites et rassemblant des informations inédites sur ces voyageuses, dont on découvre le parcours. Produites dans un contexte colonial, certaines œuvres n’échappent pas – comme celles de leurs collègues masculins – aux conventions académiques et aux fantasmes. Mais d’autres témoignent d’un regard singulier, à l’instar de celles de Marcelle Ackein, qui intégra les apports cubistes dans ses grands tableaux africains, ou des photographies de Thérèse Le Prat, qui rendit hommage aux habitants croisés au fil de ses voyages à travers de magnifiques portraits en plein air.

Marcelle Ackein (1882-1952), Les îles de Loos, Conakry, vers 1923. Huile sur toile, 89 x 116, 5 cm. Boulogne-Billancourt, musée des Années 30 - MA 30. Photo service de presse. © RMN-Grand Palais – Daniel Arnaudet
Marcelle Ackein (1882-1952), Les îles de Loos, Conakry, vers 1923. Huile sur toile, 89 x 116, 5 cm. Boulogne-Billancourt, musée des Années 30 – MA 30. Photo service de presse. © RMN-Grand Palais – Daniel Arnaudet

Cortège indochinois

On pourrait encore citer la sculptrice Anna Quinquaud, qui eut en Afrique la révélation « d’un monde nouveau », « sans artifice ni affectation », et Marie-Antoinette Boullard-Devé, qui se forma à l’École des arts décoratifs et réalisa pour l’Exposition coloniale de 1931 une frise de 40 mètres de long représentant différents peuples d’Indochine, peinte à la gouache et à l’huile sur papier, et découpée par la suite en plusieurs panneaux. L’un d’eux, conservé au musée du quai Branly, est présenté à Évian. Représentant un cortège d’une vingtaine d’adultes et d’enfants en costume traditionnel, dont les visages expressifs sont autant de portraits, il mérite presque à lui seul la visite. Celle-ci pourra être complétée par la lecture du catalogue de l’exposition, somme de recherches qui fera date dans la connaissance et la reconnaissance de ces artistes.

Eva Bensard


« Artistes voyageuses. L’appel des lointains. 1880-1944 »
Jusqu’au 21 mai 2023 au Palais Lumière
Quai Charles-Albert Besson, 74500 Évian
Tél. 04 50 83 15 90
www.palaislumiere.fr


Du 24 juin au 5 novembre 2023 au musée de Pont-Aven
Place Julia, 29930 Pont-Aven
Tél. 02 98 06 14 43
www.museepontaven.fr

Catalogue, coédition Palais Lumière d’Évian / musée de Pont-Aven / Snoeck, 264 p., 35 €.

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