
Du Metropolitan Museum of Art de New York (2018) au musée Maillol à Paris (2022), la sculpture hyperréaliste a décidément le vent en poupe ! Cet été, c’est au musée d’Arts de Nantes que sont réunis onze grands artistes internationaux, pionniers de ce courant né aux États-Unis dans les années 1950, ou artistes contemporains qui contribuent de nos jours au regain inattendu de l’hyperréalisme. Fragiles, dérangeantes, fascinantes, émouvantes, quarante œuvres composent un saisissant parcours à fleur de peau.
Lorsqu’en 2017 l’institution nantaise rouvre grand ses portes après une mue de six ans, elle expose en bonne place la célèbre Flea Market Lady (1990) de l’Américain Duane Hanson (1925-1996). Point de départ du projet d’exposition, cette femme représentée à échelle humaine tient un petit stand de livres et de tableaux d’occasion. En short, tee-shirt et bob, plongée dans sa lecture, cette marchande entre deux âges et au physique passe-partout est aussi troublante de vérité que de banalité.
Résines et silicone
Si le plâtre, le bois, la terre cuite et le bronze continuent à être employés, les artistes n’ont cessé de tirer le meilleur parti des avancées techniques pour se rapprocher toujours plus du réel. L’Américain John DeAndrea (né en 1941) exécute ainsi toujours ses nus féminins en bronze peints à la manière de trompe-l’œil, tandis que le Canadien Evan Penny (né en 1953), l’Australien Sam Jinks (né en 1973) ou encore le Français Gilles Barbier (né en 1965) explorent depuis les années 2000 les possibilités offertes par les résines et le silicone.

Au-delà du réel
« La sculpture hyperréaliste est une œuvre d’art en état limite, résume Sophie Lévy, directrice du musée d’Arts de Nantes, et c’est en cela qu’elle permet […] de repositionner le spectateur, l’œuvre d’art et l’artiste dans ce jeu à trois qui n’en finit pas de se mouvoir, sans jamais se tarir. » Au-delà de l’intrigante illusion du réel et de l’incongruité de certaines mises en scène, passé le sentiment d’étonnement qui nous saisit d’emblée face aux corps dénudés, vêtus, tronqués ou simplement suggérés, les sculptures ici réunies questionnent en effet notre rapport à l’humain et à l’altérité, interrogent les frontières mêmes de l’art et sollicitent notre sens de l’introspection. Autant de problématiques que le parcours développe au gré de trois séquences : « Du vrai avec du faux », « Corps, fictions, miroirs », « Le paradoxe de l’invisible ». « Ces œuvres ne se contentent pas de prolonger une collection de beaux-arts, elles l’éclairent », conclut Sophie Lévy.
Pascal Provost
« Hypersensible. Un regard sur la sculpture hyperréaliste »
Jusqu’au 3 septembre 2023 au musée d’Arts de Nantes
10 rue Georges-Clemenceau, 44000 Nantes
Tél. 02 51 17 45 00
www.museedartsdenantes.nantesmetropole.fr
Catalogue, Silvana Editoriale, 200 p., 28 €.