Ils sont datés entre le IIIe millénaire avant notre ère et la conquête arabe : les remarquables vestiges textuels mis au jour sur l’île Éléphantine ont permis d’éclairer avec une rare précision une longue histoire de près de 4 000 ans. Le Neues Museum de Berlin dévoile sa très vaste collection, enrichie de prêts internationaux, pour redécouvrir ce lieu phare de l’Antiquité égyptienne.
Dès l’époque moderne, l’île, située au niveau de la première cataracte en face d’Assouan, est minée par des campagnes d’extraction qui convoitent ses sols fertiles. Ces interventions répétées mettent progressivement au jour des vestiges antiques, rachetés et dispersés aux quatre coins du monde. Le substrat archéologique était donc déjà partiellement détruit lorsque commencent les premières grandes missions du XXe siècle, venant d’abord de France et d’Allemagne, puis d’Italie et enfin d’Égypte. Il est vrai que très tôt, ce lieu, qui fut le principal siège du pouvoir pendant l’Ancien Empire, livre quantité de textes apposés sur de multiples supports (papyrus, cuir, parchemin, papier, bois et tessons de poterie brisée), documentant une grande variété de thématiques. L’exposition en aborde sept, qui donnent à voir l’important brassage culturel du lieu. Les nombreuses langues parlées (au moins dix d’après les sources) se retrouvent dans les textes, témoignant de la présence et de l’interaction de populations diverses aux croyances variées (polythéismes égyptien, proche-oriental, grec ou romain, christianisme, judaïsme, islam…). La connaissance de cette société, notamment dans le domaine médical, nous est parvenue sous la forme de traitements, prescriptions, remèdes et sorts de protection en tout genre. La vie quotidienne se révèle via contrats de mariage ou de divorce, réglementation du droit des femmes, textes législatifs, recensements militaires…
Regard contemporain
Le déchiffrage de ce vaste matériel archéologique a nécessité la création d’un programme de recherche européen (ERC) chargé de la traduction, de l’indexation et de la numérisation de près de 10 000 de ces textes. Une tâche pharaonique qui s’inscrit dans une collaboration à la fois internationale et interdisciplinaire. Le processus de recherche, tout comme ses résultats, sont mis à l’honneur au fil du parcours avec la présentation des travaux de l’Arab-German Young Academy of Sciences and Humanities. De quoi faire souffler un vent frais sur les collections, en démontrant que certaines préoccupations abordées dans l’Antiquité demeurent toujours d’actualité. Dans cette volonté de renouveau, le musée a également fait intervenir une palette d’artistes contemporains : leurs réalisations, sensoriellement stimulantes, ravivent les senteurs épicées qui embaumaient les rues d’Éléphantine, avec, en fond, le clapotis de l’eau et le brouhaha de l’activité humaine.
Talia Getler
« Elephantine. Island of the Millenia »
Jusqu’au 27 octobre 2024 au Neues Museum
Bodestraße, 10178 Berlin
www.smb.museum